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En autremonde - Chapitre second

Wegferend

Ars longa vita brevis

26 août 2023 à 09:16:53

CD digipack

2023

7 titres pour 48'16''

Une petite vidéo:

Wegferend est un trio toulousain au deux tiers féminin (hop, ça vous fait faire un peu de math) qui livre ici son second album, dans un registre neo folk, plus précisément pour moi folk médiéval pagan, avec des relents metal.

Alors, que ce soit Wegferend ou le style, je ne suis pas un grand connaisseur (j'en apprécie certains, comme Heilung mais j'ai peu de références) et l'artwork est suffisamment intriguant pour titiller la curiosité. Donc ici, ne sachant pas du tout à quoi m'attendre, la surprise fut totale à la première lecture de l'album. Car je m'attendais à quelque chose de plus orienté vers une variation de black et ce n'est pas du tout le cas. Et c'est une excellente surprise, de celle qui te prend aux tripes et par la main et te mène avec elle dans son univers.
L'immersion se fait très rapidement, porté aussi bien par la musique que la voix d'Alexia (les deux autres voix interviennent aussi dans l'album, se raccrochant à un concept qui se déploie au travers des deux précédents enregistrements). Alors évidemment, les codes sont très différents, offrant une musique clairement dense et très riche, que ce soit au niveau des instruments (j'y reviens plus loin), des structures et rythmiques ou même de la forme que peuvent prendre les titres. Le point commun est cette capacité à nous faire évader, à travers une approche poétique, parfois éthérée, souvent onirique.
Et c'est là que ça devient compliqué d'expliquer à la fois la musique et l'approche de Wegferend, le trio nous offrant un voyage flirtant avec le céleste sur l'album. Le tout mêlant des codes issus du folk et de la musique médiévale, me renvoyant en repères du côté de Twisted Mist (à l'approche plus sombre et féroce).

Le trio offre des titres dont la durée est juste idéale. Comprends moi: chaque titre à une durée variable mais ce n'est pas parce que le titre est long ('Gedim' est ses presque 10 minutes par exemple) que c'est ennuyeux. Loin de là, le groupe offrant des titres complexes, allant vers différentes couleurs musicales. En effet, le trio offre des variations de thèmes et de styles. Reprenons le cas de 'Gedim', qui offre une ouverture avec des éléments musicaux très arabisant (jusque dans le chant), apportant un côté exotique surprenant mais très agréable et rafraîchissant. Mais le trio ne se borne pas à simplement entretenir une approche. Il va beaucoup plus loin et métisse la musique avec d'autres éléments, au-delà des styles musicaux en eux-mêmes, pour créer une trame particulière, qui amène un aspect que je n'ai pas évoqué au début: l'ambient.
Car il est indéniable que c'est aussi une forme qui imprègne la musique du trio, créant des atmosphères tout en finesse, aux mélodies ciselées, dans le but de vraiment nous emmener au centre de cet autremonde et de nous y offrir un voyage dépaysant. Et ce qui est intéressant, c'est que l'aspect médiéval vient aussi bien d'éléments musicaux, des instruments, que des paroles et du chant (qui invite à visiter un imaginaire collectif crédible). C'est une base essentielle de la musique du trio, à laquelle il ajoute d'autres jalons, certains plus contemporains, plus consensuels et d'autres qui vont s'échapper des limites conventionnelles.

Et cela passe aussi bien par les mélodies que le travail sur les rythmiques et les patterns de batterie ou les choix des percussions, pouvant glisser vers une approche plus rituel ou au contraire insérer un jeu plus martial, rattaché à cette idée de la musique médiévale. Et cette approche rythmique va servir à poser les autres éléments, les mélodies et autres ajustements, venant guitares, mandoline, flûte, apportant ce côté dépaysant et cette évasion attractive. Mais ce qui est aussi intéressant, c'est que le trio ne base pas nécessairement ses mélodies sur les guitares mais ava vraiment naviguer au sein des divers instruments, l'importance de chacun variant au besoin et à l'ambiance du titre ou d'une phase spécifique du titre. Il n'y a pas de place laissée au hasard ou à un quelconque flottement. Tout est réfléchi, dans le but de nous garder immerger dans cet univers très accrocheur aux codes volatiles et exotiques qui baignent la musique.
L'ajout d'autres instruments, en apportant sur certains titres, ajoute une dimension encore plus profonde à l'approche de la musique que le trio s'évertue à déployer.
Il y a beaucoup de subtilités et de retenues. Il ne faut pas s'attendre à un soudain sursaut plus virulent. Du moins, pas dans la musique. Car il y a aussi clairement une puissance qui s'exhale, venant des émotions qui traversent la musique et que l'on ressent, nous apportant une densité supplémentaire.

Et il y a cette notion d'onirisme que j'évoquais. Et effectivement, au fil des titres, dans le développement de l'album, celui-ci prend de l'ampleur, glissant lentement sa puissance évocatrice dans les titres qui, eux-mêmes, vont pousser les thématiques en ce sens, en plus d'aborder des choses dans une forme plus spirituelle (sans pour autant aller dans l'excès, ici tout est mesuré, en retenue). Cet onirisme va ainsi se mâtiner d'une approche plus spirituelle (dans la musique et une moindre mesure dans les textes), pour nous offrir au final une ouverture et une révélation sur cet autremonde (le dernier titre), après un passage surement plus symbolique ('Jos l'Uèlh de la brèissa', le titre le plus extrême surement dans son développement avec un emballement rythmique inattendu et une approche plus sombre et plus metal (sans pour autant faire n'importe quoi, le titre étant incroyablement cohérent avec le reste de l'album). Et cet autremonde tient plus d'un titre instrumental, à la mélancolie puissante, accompagné d'une voix éthérée et surtout d'un violoncelle à la profondeur (au jeu volontairement lent et lourd) infinie, servant clairement à indiquer la fin d'un chapitre et l'ouverture d'un autre à venir.

Je vais m'étaler un peu plus sur les instruments. Comme je l'ai écrit déjà, il y a pas mal d'instruments, certains peu usuels comme la mandoline (il y a trois mandolines, probablement avec une différence de ton) ou les flûtes, en plus des guitares (classique, folk), le violoncelle... mais où cela devient plus marquant, c'est au niveau des percussions, avec un arsenal du genre, d'origines diverses (8 instruments en percussions, en plus de la batterie. Et c'est cet ensemble qui permet au trio d'explorer son univers et de nous offrir ce voyage en autremonde, qui apparait comme un voyage à la fois rituel, initiatique et temporel. Et si je parle de temporalité, c'est parce que plus j'écoute l'album, plus je me dis que cela à une importance, lié au lieu (l'Entremonde) et au moyen d'y accéder (en partie par la musique). Et cela colle avec certains éléments de chants, dans la modulation (mais aussi certains éléments très spécifiques de la musique).

Les chants sont au nombre de trois. Le principale repose sur la voix cristalline d'Alexia, amenant des accents plus exotiques, avec cette temporalité et un timbre de voix unique. Si elle occupe le plus important du chant, celui de Manon apporte un léger contraste, avec un timbre chaud. Mais les deux chants semblent liés dans le concept, l'un n'existant pas sans l'autre. Et c'est là que le chant de Thomas va intervenir de manière ponctuelle, sous forme de chœurs, de manière subtile. Même dans les chants, la finesse est la clé, en plus d'avoir aussi cette notion plus spirituelle.
Le son est excellent. Il y a beaucoup de clarté, du fait du nombre d'instruments et de leur nature. La construction des titres reposant dessus en partie, chacun à son potentiel d'exploré. Les arrangements amènent des subtilités, par des sonorités ou quelques effets tout en retenu. Ce qui n'empêche pas d'avoir une puissance dans le son, aussi bien en tant que telle que pour les émotions. Et les voix viennent se poser en complément, chacun des éléments ayant leur zone d'évolution.

Si vous êtes adeptes de groupes qui offrent une autre approche musicale forte ou un amateur de tout ce qui est folk travaillé et riche, ne réfléchissez pas plus que ça et aller écouter Wegferend. Le voyage est beau, la réalisation sublime et l'immersion complète. Incontournable!

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