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Embrasser la nuit

A Terre

Autoproduction

19 mars 2025 à 16:14:33

Dématérialisé

2025

7 titres pour 34'17''

Une petite vidéo:

A terre est un quintet de la Nouvelle Aquitaine formé en 2020 et heureux papa (oui, c'est comme ça) de 3 Ep (en 2021, 2022 et 2023, notez la régularité), œuvrant dans ce qui est à la fois et n'est pas non plus totalement un mélange de post metal, post hardcore et indus (du moins dans la version simple). Clairement, c'est un projet atypique.

Concrètement, le groupe joue avec les codes des styles, imposant les codes habituels mais allant soudainement jouer avec et amener une sorte de déstructuration constructive. L'album s'ouvre sur 'Acab' qui va installer certains paramètres qui vont se révéler des caractéristiques de leur approche musicale. Déjà, il y a une approche du temps qui se fait, par une rythmique lourde et une vision de faire trainer un peu les choses, s'appuyant sur l'indus pour apporter une atmosphère. Mais un indus qui va trainer ses guêtres dans des sphères différentes, induisant une richesse insoupçonnée (qui va se dévoiler plus dans l'album). Cette façon d'intégrer le temps dans la musique va aussi se faire par les textes, jouant sur une temporalité étrange mais qui va ouvrir un univers singulier. Et qui associe ce point avec la lourdeur et une forme de noirceur (raccord avec l'idée d'embrasser la nuit).
Et qui me fait faire un aparté nécessaire: en lisant la bio du groupe et l'histoire autour de l'album, le chanteur et moi partageons des points communs, niveau de ce que l'on a vécu et qui fait que je me retrouve dans sa vision et son idée d'embrasser la nuit. Il évoque une période difficile (dont j'ai l'idée de ce qu'elle fut) et que ça manière de percevoir les choses est assez proche de ma façon de voir et ressentir le monde (parfois, c'est fatigant...). Mettez ça dans un coin de la tête, ça va servir plus loin.

Le groupe va distiller une musique qui se base sur ces éléments évoqués, mais en jouant sur la volubilité et la manière de les restituer musicalement. Il y a une identité musicale forte qui se fait rapidement, avec une volonté protéiforme qui est jubilatoire. Le groupe offre une synthèse à différents niveaux qui lui permet de brosser différents tableaux, s'appuyant sur une atmosphère sombre mais pourtant poétique et, paradoxalement, à générer une sorte de sérénité (dans les phases les plus prenantes, où l'indus va plus marquer sa présence). Mais aussi amener des éléments venant d'autres sphères musicales, comme la chanson française (par les textes et la manière particulière de les amener), le hip hop et d'autres éléments plus flous mais qui apporte une identité forte et singulière à la musique du groupe.
Les titres posent des structures qui varient dans leur cadre, respectant à la fois les codes et pourtant en sortant sans équivoque, nous propulsant dans un univers musical où l'intensité est aussi importante que la noirceur de la nuit (et de la musique). Cette intensité n'est pas liée qu'à la musique mais aussi au chant et aux structures sous jacentes qui habillent les titres, livrant des sous niveaux d'écoutes qui nous surprennent à leur apparition. Et livre une notion de puissance qui va se démarquer de celle de la musique.

Car oui, même si le groupe distille de la lourdeur et une trame temporelle particulière, il n'en est pas moins certain que leur musique offre une puissance sans concession, jouant sur la musique, la texture et l'émotionnel, où elle revêt une importance capitale. Il y a un côté viscéral qui s'exhale des titres, passant par des phases atténuées et d'autres plus massives, dessinant une trame singulière globale qui offre une cohérence à l'ensemble. Et met en valeur cet aspect poétique qui transparait, offrant des fulgurances ici et là. Fulgurances qui apportent quelque chose qui touche au sublime, au détour de différents passages ('Nous sommes la nuit' est un bon exemple de l'idée).
Et les fulgurances jouent aussi dans les structurations qui vont jouer avec des contrastes puissants, à l'intérieur de celles-ci mais aussi dans la manière de régenter l'approche musicale, repoussant les limites des styles et brouillant alors ces dernières vers quelque chose de différent, comme se perdant dans la nuit mais aussi dessinant quelque chose de nouveau.
Car A terre ne va pas suivre ce que l'on croit avoir. Tu l'as surement compris. C'est une manière de restituer ce qui fait ce qu'ils sont qui touchent à l'essentiel, celui d'impacter la musique et de toucher l'auditeur, en ouvrant des possibilités peu usuelles. Et des éléments hip hop ou plus électro déferlent ainsi parfois, sortant de nulle part mais épousant totalement la base musicale ou le contexte du titre où ces éléments surgissent, jouant sur la perception à la fois musicale et en même temps émotionnelle.

Comme je l'ai dit, la musique à un côté sombre, caractérisé par une lourdeur omniprésente et l'installation de thèmes musicaux puissants, dessinant des approches mélodiques dont la singularité vient de la manière dont les styles qui se télescopent dans en leur sein. Il y a une réflexion marquée sur ce point, apportant quelque chose qui va plus loin que le jeu des mélodies ou des diverses structures habillant la musique. La tonalité est dans ce sens aussi, sombre, pesante mais tout aussi emprunt de ce poésie qui l'habille, dévoilant un aspect où la fragilité est mise au service d'un ressenti à l'incroyable puissance. C'est sombre mais ce n'est pas sinistre, ni désespéré. Loin de là. On est, étonnamment, face à un espoir et une volonté d'aller plus loin, de voir ce qu'il y a au-delà, à l'image de leur musique et ses codes créés. Et c'est là que mon aparté va revenir poindre le nez: je retrouve cette volonté, au sein de la tempête que j'avais dans la tête, d'aller plus loin, d'explorer plus loin. Ne pas lâcher l'affaire mais arriver à transcender la difficulté (même combat actuellement mais pouvant m'appuyer sur des points d'accroches solides). Et c'est ça qui fait que la musique que propose A terre ait cet impact puissant, attachant et, surtout, viscéral.
C'est une approche qui dessine un aspect extrême singulier, avec une ligne subtile mais qui suinte à chaque instant d'un aspect complètement humain, avec ses facettes complexes, à l'image des éléments parfois complexes qui peuvent exister au sein de l'album. Complexes mais compréhensible, sans la moindre difficulté, montrant un jeu d'équilibre difficile mais maitrisé.

Le chant est habité. Il est saturé, utilisant un chant souvent scandé, où la puissance est aussi bien dans le chant que dans l'émotion. D'autant qu'il y a une modulation en son sein, appuyant sur la noirceur mais aussi cette lueur d'espoir. Il appuie très nettement sur l'aspect humain que j'évoque et est clairement un chant nécessaire à l'album. Le chant est en français, avec des textes très travaillés, où le chant apporte une approche particulière. Un autre chant ne fonctionnerait simplement pas.
Le son est excellent. Du fait des styles se mêlant dans diverses circonvolutions, chaque instrument apporte sa nécessité d'être là, des guitares au clavier (qui offre des moments suspendus ici et là), avec une basse bien présente, apportant son impacte et sa lourdeur. Les guitares jouent avec les tonalités (jeu que l'on retrouve au sein des structures). La batterie a un traitement particulier, mettant un point d'honneur a souligner la noirceur à travers un son gras et chaleureux avec une tonalité et une tessiture particulière. Le chant est totalement audible, sans que les instruments le noient ou que ceux-ci se retrouvent en retrait. Les arrangements sont bien réfléchis, apportant une épaisseur en plus à l'ensemble, sans le trahir.

A terre livre un premier album intense, singulier, étonnamment humain, brouillant les limites des genres. Mais alors, quel putain de premier album! Il doit rejoindre absolument ma collection, étant indispensable pour moi et toute personne appréciant une musique dense, viscérale et touchant à l'âme.

© Margoth PDF

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