

MARGOTH 5
PDF5
Eimuria
Bank Myna
Stellar frequencies records, Medication time records
26 mai 2025 à 14:30:59
Dématérialisé
2025
5 titres pour 47'35''
Une petite vidéo:
Bank Myna est un quatuor parisien au chant féminin évoluant dans un mélange entre drone, ambiant, doom et expérimentations sonores. Formé en 2013, le groupe a posé des jalons avec un premier album 'Volaverunt' (https://margothpdf.wixsite.com/margothpdf/coin-des-chroniques-1/volaverunt) et nous est revenu cette année avec leur second opus.
L'opus offre 5 titres qui imposent d'emblée une approche plus lourde, où le doom va être plus présent, se mêlant au drone et à l'approche rythmique et musicale très ritualiste. Explose aussi dès le début cet aspect sombre, plus marqué que sur le premier opus. Mais on retrouve aussi cette approche sous forme d'un voyage éthéré où des fulgurances jaillissent parfois, sous diverses formes. On retrouve ce qui fait l'essence du groupe, déjà présent sur le premier album, à savoir un côté posé apaisant chargé d'émotions, jouant avec l'âme de la personne qui écoute (et qui ouvre une dimension live qui doit être énorme).
L'album s'ouvre avec un titre court ('No ocean of thoughts', 3'40'') au regard des autres titres. Il pose les bases de rappel de ce qu'est l'entité Bank Myna, en même temps que des jalons plus spécifiques à cet album apparaissent comme guide, notamment la lourdeur et un jeu avec les dissonances et les altérations, obliquant vers un virage assez onirique. On retrouve la marque du premier album, à travers une sorte de poésie sombre, portée par cette approche singulière, livrant une amorce qui nous plonge dans l'univers qui va se développer sur l'album.
Il est essentiel de t'indiquer que, bien que la musique puisse être sombre, elle n'en demeure pas moins étonnamment chaleureuse, portée par le chant de Maud et l'osmose qui se dégage entre les membres du groupe. Il y a clairement une sorte de fusion des esprits ou des âmes, au niveau artistique.
Dès 'The shadowed body', en plus des éléments mentionnés juste avant, la basse va s'imposer comme un élément clé, créant une trame structurelle à la simplicité complexe, posant une atmosphère marquée. C'est l'un des titres fleuves, qui du haut de ses 12'51'', va nous emmener vraiment dans les confins de l'univers de Bank Myna, appuyant nettement plus le doom, auquel des éléments post rock se joignent et où l'aspect drone explose, proposant une association étonnante et attractive. Le groupe se permet ainsi de développer un schéma et une ligne directrice sur le titre, jouant avec des thèmes et des riffs qui vont évoluer au long du titre.
Et c'est là que les premières fulgurances jaillissent. Il y a un côté très puissant qui se détache, jouant sur la puissance des émotions et de la musique, tout en s'offrant une articulation autour d'un jeu complexe de rythmiques, sur lesquels je reviendrais plus tard. Ces fulgurances permettent aussi bien une structuration du titre que d'offrir, par des contrastes et des moments liminaires à certaines sections, une plongée dans un univers à la beauté sombre, où l'obscurité se ponctue d'éclats de lumières. Il y a indéniablement un côté très poétique, me semblant plus marqué que sur le premier album.
Les fulgurances vont se jouer à coup de riffs, de structures volubiles et de changement de paradigmes, tissant des passages plus exotiques (qui vont être parfois d'une étonnant puissance émotionnelle) et jouer sur une sorte de surenchère qui pousse des moments de paroxysme qui explosent les codes établis.
Le titre marque son espace et sa présence par une caractérisation que l'on va retrouver sur chaque titre, ayant chacun sa propre essence, développant des aspects différents ayant le même but. Le doom est clairement une dominante plus nette, s'imbriquant avec le drone et libérant une vision plus affirmée et plus extatique sur certains passages, permettant de glisser l'aspect rituel (lui aussi j'y reviens plus loin).
Les autres titres vont explorer d'autres facettes, toujours en lien avec cette aspect poétique, mêlant doom et drone. Mais Bank Myna nous réserve aussi une autre surprise, à travers 'the other faceless me'. Le titre, un peu plus court, va développer deux aspects: le côté exotique, glissant des codes arabisant en son sein et une approche plus cinématographique. Le titre pourrait clairement servir pour un film, portant plus loin la puissance émotionnelle, avec en point d'orgue un passage où le céleste se dispute la beauté d'une forme d'obscurité. Le titre construit une structure très différente où les altérations de sons et des notes sont au centre d'une montée en charge émotionnelle, où le chant de Maud devient transcendant. L'aspect rituel se dessine aussi plus, ajoutant une dimension supplémentaire au titre. Il en devient cathartique, apposant un moment où le titre va opter pour quelque chose de plus serein, mais toujours avec cette dénotation doom / drone, s'associant encore plus puissamment à la musique.
Le titre suivant, 'Burn all the edges' va reprendre en partie les codes des deux titres précédents et glisser vers quelque chose qui est plus intense musicalement, dévoilant un aspect plus frontal palpable (bien que déjà présent sur les autres titres mais de manière plus discrète). Les riffs sont plus tranchés et la structuration du titre permet au groupe d'exploiter des facettes différentes, jouant sur les rythmiques et les tonalités. Il me semble aussi qu'il y a quelque chose avec la temporalité, au niveau musicale, certains éléments puisant à la fois dans l'aspect exotique et jouant la carte de la montée en puissance. Le titre est plus mordant, tout en gardant cette idée de poésie et d'onirisme, où l'on retrouve des éléments subtils arabisant. Le titre va aussi partir vers des sphères plus célestes, offrant un contraste marqué dans la construction et livrer deux niveaux d'écoutes et de compréhension.
Le dernier titre est aussi un titre fleuve. 'L'implorante' (13'24'') va explorer une autre facette du groupe, repoussant plus loin le mélange entre le doom et le drone. Le titre est à la fois plus posé dans certains aspect tout en poussant le côté sombre à son paroxysme, jouant avec les tonalités (et notamment la basse, prenant un aspect plus sinistre), développant un aspect plus tumultueux, en gardant un contrôle sur la forme du tumulte. La structure du titre va être plus diversifiée, avec là encore une montée en puissance qui revient plusieurs fois, associée à une approche déstructuré marquée, glissant plus nettement des éléments dissonants ou altérés (le son, les notes ou les lignes structurelle elles-mêmes). Le drone va prendre plus d'emphase, changeant un peu le rapport doom / drone du reste de l'album. Cela permet de jouer sur un aspect émotionnel redoutable passant par le son et ses dissonances, ses altérations et servant de catalyseur à une forme d'exutoire tout en retenue. On retrouve à travers ça l'aspect cinématographique, allant explorer une autre voie, plus sombre.
Le titre prend son temps et pourtant, il offre des moments de grandes intensités, reposant sur les structures, les rythmiques et cette approche rituel qui nimbe la musique de Bank Myna. Mais le titre permet aussi d'offrir une sorte de boucle qui retourne un peu vers le premier titre, jouant là encore avec le temps, puisque cette fois, c'est à rebours, offrant une sorte de reflet contraire qui, pourtant, semble nous rattacher au premier titre (nous laissant une interprétation dune boucle ou d'autres choses).
Les rythmiques dans l'albums sont à la fois simples et complexes, selon les besoins mais peuvent aussi offrir un mélange des deux aspects. Il y a une grosse profondeur de travail sur les rythmiques, car celles-ci sont parfois indissociables des structures. Ce qui permet à Bank Myna de jouer sur la nature de celles-ci, donnant aussi bien quelque chose de très nette que d'offrir une rythmique tout en déstructuration voire contre-temps.
L'approche du groupe sur les rythmiques est propre à ce groupe. Il y a une vision qui jouant avec les codes des styles qui se mélangent, leur ouvrant un champs des possibles qu'il explore largement. Mais il y a aussi cette idée de fusionner les structures musicales et les rythmiques, ouvrant des horizons nouveaux mais aussi une manière différente de composer, sortant à certains moments des codes musicaux occidentaux (d'où, surement les aspects exotiques et arabisants présents, régis par des codes différents).
Les rythmiques peuvent être extrêmement minimalistes, mettant en exergue la beauté de la musique ou être complexes, où la puissance et la densité deviennent nécessité pour véhiculer une émotion ou quelque chose de plus globale.
Mais les rythmiques obéissent aussi à quelque chose d'un peu plus complexe, qui vient directement d'un aspect que le groupe développe, à travers le prisme ritualiste.
En effet, Bank Myna a une approche ritualiste à travers sa musique, aussi bien de manière plus directe que de façon diffuse. C'est omniprésent au sein de structures ou de patterns rythmiques et apparait parfois à travers la basse (mêlant alors le tout avec le doom et le drone). Le côté ritualiste va œuvrer surtout dans des moments plus cathartiques, se servant de cet aspect pour nous emmener vers quelque chose qui jeu entre l'introspection et l'exploration d'un inconnu mystique, la musique ayant parfois des reflets de mysticisme qui apporte une dimension plus céleste mais aussi cette approche sereine et onirique.
Le groupe semble considérer cet élément plus comme une entité, au vu de la manière de l'incorporé, peut-être comme un cinquième membre désincarné.
Le chant de Maud est excellent. Un chant clair aux multiples facettes, partant vers des codes vocaux plus exotiques (je pense vraiment à ces aspects arabisants ici et là). Elle apporte aussi un jeu des émotions intense à travers son chant, en supplément de celui de la musique. Son chant est aussi parfois un moyen de donner du contraste avec la musique plus sombre, servant d'éclat de lumières perçant l'obscurité. On y trouve clairement un aspect onirique et poétique, porté par la justesse du chant et de timbre de voix de Maud.
Le son est excellent. Extrêmement riche, il y a énormément d'éléments présents, sans que les instruments ne soient perdus dans le son. On y retrouve aussi bien de la puissance que de la retenue, au besoin des moments des titres. Le groupe joue la carte des dissonances et des altérations, permettant d'avoir plusieurs strates musicales. Les instruments de bases sont bien présent, avec une basse très importante et une batterie où chaque élément est bien audible, chose nécessaire pour la musique du groupe. les autres instruments ne sont pas en retrait (clavier, violon, l'étrange lap steel...), ayant chacun un usage précis, avec un rôle déterminé. Le chant de Maud est à l'équilibre, totalement compréhensible. A noter que le groupe a enregistré l'album en configuration live, ce qui est aussi un sacré tour de force. Le son est ainsi massif, jouant avec les émotions, avec un côté très chaleureux.
Bank Myna offre tout simplement un album indispensable, en même temps qu'une énorme mandale avec un style singulier mais à l'évidente puissance émotionnelle, en plus de la beauté musicale. C'est un album à la fois exutoire et cathartique, chargé d'une forme de poésie. Juste indispensable et un album qui va rejoindre ma collection de manière absolue. La puissance n'est pas nécessairement lié à quelque chose de violent mais cela ne l'empêche pas d'être viscéral. Ne passe pas à coté! Et j'espère avoir l'occasion de voir le groupe en live.