Shores of dawn est un projet de Morgan Rappe, officiant dans Telperion. Ici, on change de registre et Morgan nous dévoile une approche différente, ayant pour base du post metal orchestral instrumental. Mais avec un concept derrière ce projet, qui, ici, se focalise sur un voyage émotionnel et épique de la formation de la Terre à nos jours, en passant par la beauté des paysages et aussi des menaces pesant sur elle.

Il est clair que c'est une variante du post metal que je soupçonnais pas. Car si on retrouve une certaine puissance et un aspect parfois massif dans le genre (dévoilant clairement des moments épiques), je ne m'attendais pas à un aspect assez surprenant: un aspect puisant dans la musique classique. Car oui, le côté instrumental nous plonge dans cette dynamique classique, qui va parfois frôler quelque chose de plus cinématographique. Et au milieu de ça, on a quelques éléments qui évoquent le power metal ou quelque chose de plus heavy mais se présentant sous une forme plus proche du détail qui fait le petit plus.
Car indéniablement, Shores of dawn dévoile un aspect très puissant au niveau des émotions, qui arrive à tisser un espace où notre liberté d'évasion est complète, n'étant pas diriger par des paroles. Tout passe par la musique et cette singularité qui associe le post metal et la musique classique. Et sur ce point, Morgan a une vision intéressante.

Si les premiers titres utilisent vraiment les codes musicaux et les instruments dédiés à la musique classique (cordes, cuivres, claviers) et prennent le temps de mettre en place une trame qui fait un lien puissant entre le classique et la modernité du post metal (via la puissance du style et son angle axé sur les émotions - plus brutes que le classique), Morgan glisse tout en finesse vers une mutation de cette approche et se met à intégrer les codes du classique et certains gimmicks dans son post metal qui sert de base. Si les deux premiers titres mettent vraiment en avant l'aspect classique, le troisième titre commence à offrir une variation du genre, jouant sur les passerelles existant entre les deux approches. Au-delà des structures, cela passe par le jeu des guitares qui commencent à amener cette idée d'évolution (qui fait d'ailleurs un lien avec le déploiement des titres suivant le concept). Et c'est là que Morgan va nous emmener un peu plus loin.
Je ne peux ne pas penser à Ténébrisme sur le titre 'Dancing with the depths', qui revêt clairement une approche basculant la musique classique dans le metal via un black atmosphérique épique, utilisant une structuration et des rythmiques spécifique (comme Ténébrisme). Et c'est là que le jeu devient plus complexe, non dans sa nature mais dans sa forme, changeant les codes et amenant deux parties différentes dans l'album.
Le côté post metal me renvoie en référence à pas mal de groupes ayant des approches variées du genre. Il y a un alliage entre la subtilité, la retenu ou la force brute tout comme un jeu avec des codes qui se délitent pour mieux se muer dans d'autres essences. Cela amène une approche sur les émotions qui diffèrent de celles des autres aspects, amenant ainsi de la densité.

Les structures jouent avec les codes des styles que j'évoque, sans le moindre doute et avec beaucoup de réflexion. Car les structures vont se mêler et fusionner, pour qu'en découle, outre une part épique (reposant sur des voix empruntées à l'opéra et qui reviennent ici et là souligner une importance qui dévoile deux aspects épiques différents - j'y reviens plus loin) mais surtout une approche qui marque l'émotion (s'appuyant sur les arc boutant que Morgan utilise comme trame). Et c'en devient extrêmement riche, non pas dans une surenchère mais bien dans le ressenti et cette approche de conception et de structures variées mais découlant du concept, gardant toujours la fibre orchestral, parfois plus en arrière plan, parfois exposée en première ligne, imbriquant ainsi deux facettes complémentaires.
Car le côté orchestral marque son empreinte mais jamais sans être écrasant. On est vraiment dans une volonté d'offrir une grande finesse et une subtilité (même dans les aspects plus puissants) entre musique classique orchestral et cette approche cinématographique qui se dessine ici et là, généralement accentuer par les relents black atmosphérique.
Mais Morgan n'oublie jamais d'associer les divers variations avec le côté post metal, engendrant quelque chose qui est parfois très intense, notamment dans l'émotionnel, du fait de l'intégration de cordes parfois (je ne sais pas si c'est style contrebasse, alto ou contre alto). C'est extrêmement efficace et colle au coté épique.

Et comme je le disais plus haut, l'aspect épique reposent principalement sur deux aspects: l'un est clairement rapide, associant la musique classique et le metal (livrant une sorte de neo power classique) ou laissant le metal exprimé clairement le côté épique de manière plus massive (et qui fait des liens avec Telperion du coup). Dans sa rapidité, il y a une modulation qui vient briser le risque d'ennui ou de la redondance, amenant divers accents à ce côté épique.
L'autre part épique est plus surprenante car jouant sur un rythme plus lent, mettant plus en valeur l'aspect classique mais pouvant évoquer une approche qui se lie plus avec un black atmosphérique, fusionnant un côté à la fois cinématographique et orchestral (vraiment marqué), jouant avec des codes puissants. C'est une part qui est un peu moins présente mais lorsqu'elle se montre, elle prend une dimension à part.

Tous ces aspects amène une musique qui développe à la fois des aspects oniriques, incitant à ce voyage que nous promet le concept. L'album nous emmène vraiment dans des sphères parfois très aériennes, parfois plus brutes sans pour autant tomber dans quelque facilité journée sur quelque chose de sombre. Pas un instant il n'y a de négativité. Ca exhale quelque chose de très positif.

Le son est excellent, associant la précision et la puissance. La puissance pour les aspects plus metal (bien que el classique en engendre aussi), mettant en avant certains arcs plus bruts et servant de colonne vertébrale. La précision vient plus pour le côté orchestral et épique, amenant une richesse dans les détails sonores (cordes, cuivres, claviers...) et quelques éléments modernes qui apportent un lien avec notre époque. Le mixe est excellent, du fait des nombreux éléments et détails qui parsèment la musique que Morgan nous propose. La batterie est rejointe à certains moments par des percussions bien spécifiques, offrant une profondeur nécessaire à la stratification que la musique offre.

Si tu veux passer un excellent moment sans réflexion et t'évader après une journée de travail et / ou chaotique, tu as l'album idéal ici. Une très bonne surprise que je recommande chaudement!