top of page

De Charybde en Scylla

Mormieben

Autoproduction

22 septembre 2022 à 13:07:15

Dématérialisé

2022

12 titres. Durée: 1h02'

Une petite vidéo:

Cette fois-ci, il y a deux avis sur cet album. On commence par celui de Mylène:

T'as aimé Jack Sparrow? Les films réalisés par Jerry Bruckheimer? Bon là, certes Jack (joué par Johnny Deep) n'est pas là mais on peut dire qu'il nous a laissé entre les mains de Mormieben. Il s'agit d'un petit groupe de metal pirate originaire de Clisson.
Tu veux un disque avec de la mer, du sable, de la bonne humeur, d'embruns marins? Fonce, c'est pour toi!
A travers un coté ska festif (de temps en temps), de relents celtes, de temps en temps un coté épique. Ca te met l'eau à la bouche? Fonce, c'est pour toi!
En avant toute!
A bâbord toute! Et bon séjour sur l'océan avec Mormieben!

Et maintenant, je livre mon avis.

Alors Mormieben est un groupe clissonais formé en 2011, jouant du pirate metal (un style à la définition floue) et ayant à leur actif une démo, un Ep et un premier album. Et le groupe nous livre ici son second album. Le pirate metal n'est pas un style que je fréquente car n'étant pas touché par le style (à l'exception des toulousains de Barbar'o'rhum (plus dans un rock pirate et qui a été chroniqué dans Margoth et qui m'avait agréablement surpris)). Ayant néanmoins écouté un titre de Mormieben, celui-ci m'a suffisamment titillé l'oreille pour que je m'y penche aussi.

Il faut savoir aussi que cet album est un concept album (une idée ambitieuse mais qui s'avère payante, clairement). Comme l'évoquait Mylène, la durée de l'album pourrait évoqué un film et il est vrai que ça va même plus loin (du moins un moyen métrage). L'album s'ouvre sur 'Gerber' un titre qui pose la trame du récit, à travers une narration, quelque part entre un roman et un film, justement. Et cette narration se retrouve régulièrement dans l'album (avec certains codes comme des dialogues, des apartés mais parfois le choix de faire tomber le quatrième mur) et n'est pas sans m'évoquer la façon de faire en live de Macabre. Et cette trame narrative est la colonne vertébrale de l'album, qui lui donne une partie de sa cohérence (avec la musique et quelques autres aspects qui font le reste).
Après donc l'ouverture du premier titre, Mormieben ouvre vraiment son univers et nous emmène naviguer avec lui dans cette histoire. Et donc j'en reviens au terme pirate metal, un terme que je trouve flou car il y a un peu de tout, le dénominateur commun étant le thème. Si Alestorm est un nom qui vous vient à l'esprit, soyons honnête: vous pouvez l'oublier. Mormieben s'en éloigne grandement, offrant quelque chose de très immersif et nettement plus structuré.
Sur une base heavy metal, le groupe greffe d'autres influences et lorgne assez vers un metal extrême typé black (mais sans se focaliser uniquement sur cet aspect). Musicalement, on a quelque chose de dense, très détaillé et vraiment immersif. L'immersion est un élément clé du groupe et celle-ci passe par différents biais (musicaux, sonorité, arc narratif...) mais aussi avec les titres qui entretiennent la trame de l'histoire que le fait que chacun des titres ayant sa propre identité lié à sa thématique ou sa teinte particulière. Le groupe offre ainsi un voyage aussi bien à travers son histoire que par la musique, qui va injecter des éléments plus spécifiques, que ce soit les instruments, les sonorités ou les gammes utilisées (Hawai, Japon, Singapour, Indes, débuts de titres qui annoncent des particularismes très spécifiques). Les groupes travaillent énormément les ambiances et offre un grand panel émotionnel, qui vient appuyer, au besoin, les détails de la trame narrative (et qui parfois nous intègre dans sa trame, en nous impliquant). Et c'est là qu'arrive ce que j'évoquais au début du paragraphe.

Le groupe dévoile rapidement un visage qui s'avère plus extrême, aussi bien par petites touches subtiles que plus frontalement, au besoin du développement qu'imposent les titres. Et les premiers écueils de black apparaissent dans des riffs, au sein du titre 'Poursuite en Atlantique'. Si la base est résolument heavy (voire même speed metal), les riffs black arrivent dans des moments où un coté épique apparait. Et c'est là que l'on touche un aspect redoutable de Mormieben: le groupe offre des titres épiques, structurés autour de divers styles offrant cette possibilité, allant bien plus loin dans le concept, bien au-delà que de la simple thématique. Car Mormieben utilise les possibilités qu'offre le black et va offrir différents visages, prenant source aussi bien dans le pagan que dans un black atmosphérique, l'album renfermant énormément d'ambiances et de déploiements émotionnels. Et l'un des premiers titres qui explore vraiment cette aspect est 'Encalmines', s'appuyant sur un coté très mélancolique, presque dépressif et assez sombre, que les riffs black sautent vraiment aux oreilles, appuyant plus encore le coté émotionnel mais aussi amenant une couche supplémentaire à la trame. Et le groupe va alors offrir deux visages: un plus onirique où le groupe va être plus mesuré, où la subtilité et la finesse domine. Et confronté ce visage onirique à un visage qui est la confrontation à la réalité de la piraterie, à travers une approche plus brute et virulente.
Et ainsi le groupe livre un coté pique, qui s'avère d'une redoutable efficacité, naviguant entre différents styles qu'il imbrique, créant quelque chose de plus hybride mais indéniablement bien vu car fonctionnant complètement en matière d'immersion, de cohérence et d'implication. Ce côté épique ne se formalise pas que dans la musique (de par sa forme ou sa durée) mais aussi dans un certain état d'esprit qui colle avec la thématique. Et lorsque ces éléments se rencontrent, les titres offrent des dimensions qui sortent du cadre, à l'image de 'Japon - Le règne de Wata Tsu Mi'.
Mormieben ne se limite pas à ces relents black. Il amène, au besoin, d'autres effleurements, teinté death, thrash et d'amener sur sa base heavy des choses plus exotiques où un coté black thrash va par exemple se lier à des sonorités moins habituelles. Et c'est là qu'apparait une autre particularité du groupe. Où j'évoquais le début des titres qui amenaient des thématiques plus spécifiques, le groupe y va à fond et joue le jeu en intégrant des gammes différentes, liant le concept, la vision, la cohérence et l'approche entre eux, pour nous mener vraiment avec eux. Et si on a toujours ces riffs assez black qui sont là, les sonorités et les tonalités, liées à ces gammes plus exotiques, créent des trames très différentes mais qui sont complètement liées à l'histoire et cette cohérence que j'évoque souvent. Et aussi cela permet d'offrir des moments structurels importants ou servant de sortes d'exutoires, plus à destinations de l'auditeur (car certains sont fait pour se péter les cervicales).
Et au-delà du côté épique, il y a derrière une dimension plus cinématographique qui apparait ici et là. Les codes que le groupe pose sont ainsi une passerelle vers différents domaines artistiques qui se recoupent et donnent plus de corps à l'ensemble. Est-ce un choix réfléchi ou est-ce que cela découle des structures et constructions des titres? Aucune idée mais là encore, il y a une approche efficace et immersive.

Deux autres aspects à évoquer sont des choses plus concrètes. Le premier est le travail sur les parties batteries et les percussions. Outre le fait que là aussi elles sont liées aux titres eux-mêmes, les formes choisies ne le sont pas au hasard. Le travail fait dessus est aussi important pour l'immersion. Et parfois, elles vont revêtir une importance plus primordiales, jouant sur le jeu où les relents black arrivent que dans une structuration qui sert plus à l'histoire, pouvant être perçues comme une entité un peu plus à part. C'est très subtile car le groupe offre différentes polarisations dans les rythmiques et les structures. Il semble qu'il y ait derrière autre chose, portant à un autre niveau de compréhension (tout en restant lié au principe de la piraterie).
Le second est sur l'emploi d'instruments semblant plus traditionnels. Régulièrement, des instruments apportent de la densité et de la personnalité à la musique. On y retrouve ainsi un accordéon (qui doit être celui que l'on lie au monde des marins, que d'instruments plus spécifiques, comme une vielle à roue ou quelque chose s'en approchant, voire même un clavier ('Encalmines'). Et cet aspect effleure alors quelque chose de plus globale au groupe: au-delà du coté pirate metal, on peut le rapprocher plus d'une forme de paganisme et de folk, allant puiser aux sources de mythes et d'un genre plus précis. Et en même temps, cela offre la possibilité au groupe de pouvoir travailler sur différentes strates, avec des détails sonores et des ambiances très précises, presque ciselées.

Le chant est en français, avec un timbre un peu rocailleux. Gobrain offre un chant pouvant offrir beaucoup de finesse et avoir un coté plus agressive, plus puissant. Le chant n'est pas laissé au hasard, servant vraiment l'histoire mais aussi à l'implication de l'auditeur, nous forçant à y croire, même si c'est une histoire. Il module son chant au besoin, offrant des passages purement narratifs (et qui rappelle Macabre) et permettant de structurer les paroles (qui au passage sont loin d'être bateau, ce qui est assez cocasse pour du pirate metal). Il arrive au tour de force de faire passer des émotions très puissantes, lors de phases plus intimistes, que l'on rencontre dans l'album. Des chœurs viennent en renforts ici et là et, dans ces cas, l'aspect chants de pirates est clairement assumé et nous met vraiment au cœur de la trame narratrice.
Le son est excellent. Du fait de l'utilisation de multiples instruments, le mixe est vraiment dans la finesse, afin de ne pas perdre des détails qui ont leur importance. Les arrangements sont clairement réfléchis et ne laisse rien au hasard là encore.

Mormieben nous livre un excellent album, à la fois puissant, vivant et immersif. Qui plus est dans un style qui, habituellement, me laisse de marbre. Mais avec son approche et le travail derrière cet album, je ne peux que conseillez son acquisition (ce sera mon cas, car certains titres sont vraiment très puissants (musicalement ou émotionnellement). L'album recèle de nombreux détails et plusieurs niveaux d'écoutes et se découvre au fur et à mesure de celles-ci. Un véritable coup de maitre! N'hésitez pas un instant: montez à bord du Mormieben et larguez les amarres!

© Margoth PDF

  • Facebook Social Icon
bottom of page