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Das unglückliche bewußtsein

Fretting obscurity

Bitume prods

13 mars 2025 à 16:14:35

CD

2024

4 titres pour 50'15''

Une petite vidéo:

Fretting obscurity est un one man band ukrainien existant depuis 2017 avec un premier album en 2018 ('Flags in the dusk'). Naviguant dans un funeral doom death (pour simplifier, vous me connaissez), le gars a récidivé en 2024 avec cet album.

Alors, le funeral doom, ce n'est pas un genre accessible à tous le monde, j'en ai bine conscience. Chez moi, c'est un style qui fonctionne complètement et celui-ci ne fait pas d'exception. D'autant qu'il recèle de particularités.
Tout d'abord, il est nécessaire de donner ce qui sert de trame aux textes. L'album tire son essence de la vision tragique du monde de la philosophie présocratique et classique allemande (je vous laisse aller découvrir ce quoi donc que c'est-y). Chaque titre met en valeur un auteur européen classique, en associant une part de son œuvre à l'approche musicale de Yaroslav Yakos, derrière le projet. C'est tout ça qui va plus ou moins guider les textes et une partie de l'atmosphère oppressante de l'album. Il offre ainsi quatre titres, deux en anglais et deux en allemand.

Musicalement, ça prend son temps. Vraiment. C'est une approche où l'aspect funèbre est très dominant, impliquant des titres lents et lourds, jouant avec un tempo extrême. Et là, c'est un peu plus singulier déjà. Ce qui m'oblige a évoquer un autre élément particulier, qui introduit ce tempo extrême. Le projet injecte ainsi des éléments de doom death, de black et de post black. Cela amène des passages où l'on peut ainsi d'un rythme ultra oppressant à une soudaine fulgurance où un black agressif surgit soudainement, au détour d'une transition s'axant sur la structure de base et s'offrant une variabilité bien gérée. Le black va vraiment épouser les aspérités post black et offrir un continuum différent, plus encore quand le funeral doom va accélérer un peu plus pour se moduler en doom death (vraiment oppressant, en raccord avec la base funeral développée et ayant une force d'évocation d'un doom death début des années 90).
Cela fait que la notion de tempo extrême prend tout son sens, entre les rythmes ultras lourds et pesant et les déflagrations soudaines, transposant une autre forme d'efficacité qui vient en complément, en jouant sur un autre axe structurel. Comme je l'ai dit au début, le funeral doom n'est pas facilement accessible pour beaucoup. Et ici, Yaroslav pose intelligemment un paradoxe en mettant en face deux entités différentes qui œuvrent pour le même but: offrir des moments d'une accessibilité certaine qui s'oppose à un côté parfois assez hermétique. Mais pas comme on pourrait le croire. Non, cette accessibilité peut apparaitre dans les phases les plus lourdes, jouant avec un système de codes murement réfléchi qui oblique la perception de l'écoute. Et peut engendrer une rudesse de compréhension dans les phases les plus rapides, dessinant un étrange contraste.

Les titres sont longs. On n'est pas en dessous de 11'45'' pour le plus court ('As in creation hour') et cela n'est pas un hasard. Si le style se veut lent, pourtant une attention à une durée conséquente, ici ça va plus loin. Car le temps est aussi un élément nécessaire à la musique, ayant un effet net sur son impact. Le temps s'y exprime aussi bien par la durée que par la construction des titres, reposant sur des rythmes bien spécifiques, qui marquent l'écoute (d'autant quand arrivent les variations purement black ou doom death). On le retrouve dans l'ADN de la musique, entre les patterns de batteries, les gammes ou la manière d'agencer la musique, jouant sur le ressenti et apporter une notion de profondeur dans la noirceur dominante.
Mais ce travail du temps glisse aussi quelque chose de poétique, que les riffs explorent, accompagnés parfois d'autres instruments, jouant sur leur raretés pour une efficacité plus nette et renforcer l'aspect poésie sombre. On a un appui très ponctuel d'un clavier ici et là, qui permet de moduler l'atmosphère que l'album recèle. Mais la poésie vient aussi d'un travail minutieux sur des riffs et des structures très soignées, jouant avec la notion de temps mais aussi de ressenti, offrant un esthétisme puissant et souvent sépulcrale, en accord avec l'ensemble.
Et cette atmosphère n'est pas anecdotique. Elle sert d'incarnation à l'essence des titres, à marquer et tisser une trame puissante dans sa force de captation et sert à modeler le ressenti à travers les titres, nous influant de manière discrète mais redoutable. L'atmosphère devient même parfois une sorte d'entité qui va se mêler au ressenti lié au temporel et, au final, jouer sur une étrange variation qui sied complètement à la musique et à l'idée qu'il y a derrière. Et cela pose une mise en abime liant la musique, les thèmes, le ressenti et notre perception à une œuvre musicale. Et qui fait sens avec le titre ('la conscience malheureuse' en français). Juste une autre fulgurance sur une échelle temporelle différente...

Le chant est un chant essentiellement guttural, très doom death. Il apporte une part importante de l'atmosphère mais joue aussi à apporter des changements, en intégrant des moments où le chant devient black ou va apporter une aura différente lorsque le côté death (associé alors à la musique va titiller notre nostalgie avec les passages évoquant le début des années 90). Ca ouvre un chant à la fois varié et pourtant très cohérent.
Le son est excellent. Il offre une lourdeur et un côté oppressant, un peu altéré et pourtant assez chaleureux. L'accent est mis sur les guitares, aux accordements très particuliers (et qui glisse différents niveaux de tonalités), mettant une batterie qui offre des aspects plus marqués et altérés avec la caisse claire et la grosse caisse. Les cymbales sont plus en retrait, amenant cette idée de poésie, en accord avec des arrangements et les quelques incursions de claviers. Le chant est équilibré avec la musique, qui de son côté, apporte un soin particulier aux éléments mettant en avant l'aspect poétique.

Fretting obscurity offre un album de funeral doom excellent et sublime. Il y a une dimension singulière qui s'en exhale et ainsi, même si le genre est assez difficile d'accès pour beaucoup, certaines personnes curieuses pourraient lui trouver de l'intérêt et peut-être s'offrir une ouverture sur un univers musicale dont elles ne soupçonnent pas la richesse. Les autres, fans du style, passeront un excellent moment d'écoute.

© Margoth PDF

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