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COrollarian RObotic SYStem (COROSYS)

Dusk of Delusion

Metal East productions et Fantai'Zic productions

28 octobre 2022 à 13:41:21

CD

2022

11 titres. Durée: 46'56''

Une petite vidéo:

Dusk of Delusion est un quintet lorrain constitué de membres venant de différentes formations lorraines formé en 2016 et qui a sorti deux albums (en 2019 et 2020, celui-ci prolongé d'un Ep en 2021), explorant chacun un concept différent. Et cette année, le groupe sort donc un nouvel album sur un autre concept, se basant sur une nouvelle écrite par Benoit Guillot (chant) partant sur un futur dystopique. Dans ce futur, après un conflit armé en Europe, l'entreprise COROSYS inonde le monde de ses corollaires, robots anthropomorphes qui deviennent rapidement les exécutants des tâches les plus ingrates (je simplifie).
La nouvelle est à lire ( 8 pages se lisant rapidement mais arrivant à nous implanter dans l'histoire) puisque l'album se retrouve imbriqué avec celle-ci, reprenant à la fois l'ambiance que l'exploration plus marquée de certains éléments esquissés. Les titres font aussi échos avec des œuvres (film, roman ou titre) tout en mettant en exergue des liens avec notre époque actuelle et qui tissent ainsi une trame solide, ancré dans un possible pas très reluisant.

L'album s'ouvre sur un un journal (radio, TV?) daté du 4 avril 2077, où une Claire Chazal délivre les titres des infos qui seront développés. C'est court mais bien vu car cela sert de prologue directement sur l'album qui suit derrière. Et 'Shadow workers' ouvre les hostilités. Le titre pose les bases que l'on va retrouver dans l'album, à travers un metal moderne (ce terme me rend franchement perplexe... il y a du metal antique?) qui va rapidement marquer sa différence et ses caractéristiques tout en servant la trame de l'histoire qui ponctue l'album. Et le titre développe une ambiance particulière, avec une certaine tristesse, comme une mélancolie d'existence tout en offrant un contrepoint puissant. Mais, ce qui retient surtout mon attention, outre le chant, ce sont les transitions existantes dans le titre, m'évoquant celle d'Arkness, très fluide et qui en quelques mesures, change de tonalité. Elément que l'on va retrouver ici et là. Le titre amène ce qui va être aussi une ligne directrice de l'album, cette ligne délicate entre une rugosité pouvant être marquée et une subtilité qui se fait sur la lame du rasoir. La puissance est contrôlée et le hasard n'a pas sa place dans les titres. Car chaque titre, même si lié au concept et suivant une ligne directrice, a sa propre identité, permettant de déployé sa thématique et au groupe d'explorer des facettes plus spécifiques.
Le groupe amène aussi quelque chose d'intéressant dans certains titres, à travers des éléments plutôt blues / jazz (la frontière y est subtile là aussi), qui appuie un peu plus cette ambiance sombre.
Le coté metal moderne (plus simplement metal même) saute aux oreilles, entre les structures codifiées et certains éléments synthétiques. Mais le groupe va plus loin et intègre des éléments comme des sons ou des samples qui nous immerge dans l'univers dépeint sur l'album. On retrouve des éléments plutôt mélodique, adoucissant les contrastes musicaux existants et donnant une cohérence logique avec le chant, très particulier. Le groupe ne se formalise pas nécessairement à suivre systématiquement les codes établis et va explorer d'autres voies. Et pour cela, il s'appuie sur les possibilités offertes par le concept, utilisant ainsi le claviers, des synthés et une approche parfois divergentes avec les rythmiques. Et à ce niveau là, il y a un travail de fait car les titres vont offrir quelque chose à la fois d'organique et de synthétique, faisant un parallèle aussi bien avec les corollaires que les situations / ambiances nécessaires à l'immersion. Et si la première écoute nous ébauche vraiment l'univers, on se prend à récouter à la suite l'album, fourmillant de détails et dont la cohérence n'en devient que plus forte.
Les titres vont appuyés aussi bien la puissance et l'énergie, esquissant la trame temporelle et spatiale, tout en glissant des notions plus floues (volontairement) permettant, sur la totalité de l'album, brosser le portrait d'une société moderne qui s'avère terriblement sinistre. C'est là que le coté blues / jazz et les envolées oniriques qui percent ici et là viennent apporter leur essence. Et que l'on commence à mesurer l'ambition qu'il y a derrière l'album, la nouvelle et les références servant de ponts entre l'histoire, la trame assez sombre et un rapport à notre époque qui n'est pas si loin que ça de la situation que le groupe dépeint, découlant directement de la nouvelle (qui ouvre la voie à deux possibilités à sa fin). Il y a une grosse importance dans l'émotionnel, au sein de l'album. Même s'il peut y avoir quelque chose de plus lumineux parfois, la tonalité est volontairement sombre, plaçant d'emblée l'auditeur dans un monde sinistre où l'humain n'en est que plus froid, repoussant sa nature dans ses retranchements.
L'album suit une sorte de progression, à travers diverses situations où le sujet central sont les corollaires, ramenés simplement au rang d'objet ou de réalisateurs de fantasmes (voir pire). C'est là que les structures qui parsèment l'album prennent leur importance, le groupe ayant structuré les titres mais aussi l'album, offrant une hiérarchisation clinique froide et évoquant des thèmes forts, qui font là aussi un parallèle avec notre époque. On retrouve un travail particulier sur les parties batteries / percussions, livrant différents visages, avec un aspect aussi bien martial que plus synthétique, presque parfois proche d'une amorce indus. Et cela n'est pas dû à un quelconque hasard, la réflexion du groupe allant loin, pour explorer au maximum ce concept et le rendre crédible. Et ça marche.
Mais cela n'empêche pas aussi le groupe d'offrir des moments puissant, épiques parfois, et qui là aussi, me renvoient à ce que fait Arkness, déployant une facette qui est plus progressive, avec des transitions complètement folles mais réussies ('Shadows workers', 'Taking the hit' ou encore 'the hatred confession'), sous différents aspects qui ne laissent clairement pas indifférents. Il y a beaucoup de subtilités qui vont rencontrer de la puissance, souvent couplé à ce coté mélancolique, que l'on retrouve à travers les sonorités, les ajouts blues / jazz mais aussi le chant. Le groupe offre ainsi un jeu de variations sur les rythmiques comme sur des notions plus volatiles, tenant à différents éléments musicaux ou d'identités sonores. Et cela permet au groupe de proposer des titres différents et pourtant cohérents entre eux, ainsi qu'une approche graduelle dans cet univers particulier. On est sur une musique clairement puissante, par ses structures lors des phases plus brutes ou par l'approche émotionnelle, tout aussi redoutable et intrinsèquement liée. Et on sort finalement parfois sphères définies, allant vers d'autres horizons qui ouvrent les perspectives que nous propose le groupe.
Le chant est très particulier, du fait du timbre de voix de Benoit Guillot. Celui-ci est très spécifique et un autre timbre de voix ne fonctionnerait pas, c'est certain. Et il utilise ainsi son timbre de voix pour poser des chants variés, collant vraiment aux ambiances en même temps qu'aux circonvolutions qu'offre la musique. Et plusieurs fois, je retrouve dans son chant ce coté progressif et fluide qui caractérise Arkness, tout en étant radicalement sur une approche différente. Une convergence tout à fait improbable mais qui fonctionne, car Benoit module aussi son chant, pouvant le rendre plus agressif ou plus posé, voir mettre une voix claire, simplement. Des chœurs viennent ici et là ponctuer l'album, en complément du chant ou appuyer une atmosphère particulière, nécessaire au développement d'un élément qui revêt son importance.
Et au-delà de la musique, le groupe développe aussi cet univers dans les visuels, tout comme dans les clips qu'il proposent, ajoutant un point d'immersion à son univers. Il offre ainsi quelque chose de complet, totalement cohérent.
Le son est massif et très puissant. Si les instruments classiques sont bien présents, le claviers et les synthés ont aussi une place essentielle dans celle-ci, permettant de jouer sur la trame temporelle et d'amener une notion plus subtile, presque scénaristique. La basse n'apparait pas de suite à l'oreille mais elle apparait bien présente, venant alors en complément identitaire au son que le groupe porte, à la fois organique et synthétique.
Dusk of Delusion offre un troisième ambitieux, chargé de détails à explorer avec plusieurs écoutes, autour d'un concept détaillé puissant et qui fait un parallèle avec notre époque, à travers des thématiques fortes. L'album est puissant, racé et offre quelque chose qui va plus loin que la musique qu'il renferme. Une vraie claque!

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