

MARGOTH 5
PDF5
Conjuring
Seum / TOTFW
Black Throne Productions
10 avril 2025 à 15:07:30
Dématérialisé
2025
6 titres pour 27'07''
Une petite vidéo:
Seum, trio canadien de Montreal pratiquant un drum'n'bass sludge, nous revient en grande forme avec un split qu'il partage avec un autre trio nommé TOTFW et pratiquant, eux, du doom et venant de la riante cité de Detroit, aux USA. Et qui répond donc au doux nom de 'Conjuring'.
Notez que l'ordre des groupes peut-être différent selon celui que vous avez écouté.
Seum ouvre les hostilités avec les trois premiers titres. On retrouve rapidement l'identité du groupe, avec cette approche singulière et ce sludge caractéristique. On retrouve donc une lourdeur abyssal parfois, auxquelles peuvent succéder des fulgurances rythmiques sous acides, offrant une structuration particulière jouant sur le contraste. Mais cela se fait avec l'art des transitions (à l'exception de un ou deux passages offrant un frontal direct sans transition). Jusque là, on retrouve nos marques sans problème.
Mais Seum est un groupe qui évolue à chaque production. Et ici, il va se démarquer par une approche nettement plus sombre, qui s'intensifie par le son assez abrasif. Il y a quelque chose de malsain qui s'exhale mais qui ne vient aps d'une approche ésotérique mais de la part humaine: Seum explore des faces sombres intimes, qui leur sont propres, dévoilant aussi un aspect comme une sorte de fragilité humaine, laissant l'émotion s'exprimer (oui, alors, c'est par du sludge, donc c'est assez appuyé parfois). Mais qui fait aussi un lien avec le titre du split, les titres évoquant des schémas sombres, servant d'exutoire et de catalyse, pour, justement, conjurer cette part sombre. Mais c'est aussi une approche qui dévoile des aspects intimes du groupe, celui-ci dévoilant pudiquement par la musique cette part sombre qui peut exister en chacun et chacune.
Il y a aussi le traitement par la durée des titres, relativement courte pour les deux genres (et qui est la marque de Seum), ajoutant une dimension supplémentaire dans une forme d'urgence couvrant cet aspect sombre - et qui fait lien avec le titre du split.
Musicalement, on retrouve des spécificités du groupe, des nouveautés mais aussi quelque chose qui fait un lien avec les autres productions du groupe, entrainant une cohérence transversale dans l'œuvre (par des références de textes ('I have 666 problems') ou des sonorités qui vont nous renvoyer vers certaines spécificités des autres productions. Mais en tissant aussi un lien avec l'idée de base du split et permet ainsi à Seum de poser quelque chose de plus grand: une sorte de regard en arrière qui embrasse la globalité.
Et cela se retrouve dans la musique, jouant sur la texture râpeuse du son, de cette approche faisant la part belle à la lourdeur et aux soudains lâchers d'adrénaline (sous forme de fulgurance où la lourdeur devient violence pure).
Ca ouvre des perspectives que le trio explore, ajoutant de la densité à la cohérence, sans non plus en faire trop et nous égarer. Leur univers reste cohérent. Mais Seum ajoute aussi un petit quelque chose de plus, très subtil sur les deux premiers titres, plus net sur 'Efrit', le troisième. Seum amène en effet une cohérence avec l'autre groupe, en injectant des éléments purement doom dans son sludge, mais avec ses règles. Cela engendre une atmosphère un peu différente des deux autres titres et induit une modulation qui fait le lien mais sert aussi d'introduction au groupe suivant. On reconnait Seum mais avec une mutation, très intéressante dans la manière de s'approprier une essence différente sans se renier. Le titre s'enfonce loin dans l'aspect plus sombre et nous offre une synthèse absolue entre le sludge et le doom, jouant avec les codes des deux styles et créant des structures assez jouissives dans les constructions. Très immersif.
Le chant de Gaspard est reconnaissable. Caractéristique, plus écorché que jamais, appuyant le côté plus sombre, avec ce timbre vocale particulier. Mais sur le dernier titre, il injecte lui aussi une approche doomisante, créant deux entités vocales qui vont se fondre pour engendrer ce que seul Seum peut concevoir avec du doom.
Le son est massif, bien gras, avec cette paire basse / batterie propre au groupe. Mais le son va apporter aussi des sonorités faisant un lien avec le côté sombre, les autres productions du groupe mais aussi le doom venant de TOTFW (notamment sur 'Efrit'). C'est une approche intéressante, qui ne renie pas le sludge qui leur est cher. Le chant est à l'équilibre avec la musique et offre toujours ce paradoxe du contraste complémentaire.
Temple Of The Fuzz Witch prend la suite. On change de style, de registre et pourtant, on va avoir cette même essence, avec une forme différente. TOTFW propose un doom ( dans ce qu'il y a de plus occulte, en mixant le plus sombre de Black Sabbath avec du Electric Wizard) auquel s'ajoutent des fulgurances qui ne sont rien de moins que du black metal. C'est clair: on a un blackened doom puissant et oppressant.
La puissance se dégage aussi bien des assauts black que de l'approche doom du groupe, jouant sur une lourdeur conséquente et une mise en boucle de certains riffs, créant une atmosphère singulière, poisseuse mais accrocheuse. Les trois titres nous plongent dans un autre univers où des liens et la cohérence avec Seum existe.
Mais là où Seum explore des émotions humaines, TOTFW va explorer la face sombre mêlant ésotérisme et occultisme. Il va créer un ensemble singulier où l'aspect sombre se veut plus malsain, sans non plus tomber dans une quelconque facilité. Le groupe utilise des mécaniques spécifiques, dans ses structures ou dans le chant, qui mettent en évidence ce côté occulte. Il y a un appel de certains codes du black qu'il va intégrer dans les parties doom, offrant des passages singuliers où les codes se brouillent un peu, en jouant avec les rythmiques et des altérations (tempos ou structures).
Si l'esprit du doom est présent dès le début, le venin du black arrive par distillation. Leur doom se veut pesant, oppressant mais avec un aspect mélodique étonnant, mettant en exergue la face ésotérique / occulte, qui ouvre un contraste saisissant avec le black, explosant soudainement en des assauts sans concessions, le doom devenant une entité démentielle. Les transitions sont présentes, efficaces ou subtiles mais le groupe y va aussi de breaks complètement fous, fait pour briser les repères (et immerger plus profondément l'auditeur dans leur cauchemar). Et ce mélange induit des rythmiques particulières, oscillant entre les deux sphères et apportant une certaine complexité ajoutant une aura de mystère.
Mais le groupe utilise aussi beaucoup d'éléments différents de ce à quoi on pourrait s'attendre. Notamment le lien avec le fuzz, abondant au sein de sa musique et qui appuie la dynamique liée à l'occulte et jouant sur l'atmosphère des titres.
Cette approche mêlant doom et black n'est pas rare me diras-tu, petit canaillou. Mais pas avec TOTFW qui ont une approche vraiment différente, aussi bien dans la structuration que l'essence même. On est sur une entité un peu à part, cultivant une singularité.
Mais ce n'est pas. Car le groupe fait aussi un clin d'œil à Seum, en introduisant ici et là, des éléments suintant le sludge. Mais avec leur vision et donc suintant quelque chose venant du black. L'atmosphère, à la fois pesante et malsaine prend alors un autre visage, notamment dans quelques sections de 'Eternal lamentation' où cet aspect est net, volontairement.
TOTFW apporte ainsi une dimension différente, avec un angle d'attaque lui aussi bien à part, en faisant le lien avec le titre du split 'Conjuring'. Là où Seum pose une conjuration de l'aspect humain, TOTFW va dans le sens littéral, lié à l'occultisme. Et permet d'explorer une autre facette, qui entretien quelques points communs avec celle de Seum.
Le chant se partage entre un chant clair, mettant en valeur le côté mélodique du doom et un chant saturé, agressif, plus black. Des moments introduisent aussi des aspects évoquant le sludge, la frontière entre les deux devenant parfois plus confuse, en toute logique. Et il y a ces effets singuliers sur le chant, ajoutant quelque chose de malsain parfois, désincarné.
Le son est lui aussi excellent. La basse et la batterie offre un contraste avec la guitare qui joue sur les aspects doom et black, jouant sur les sonorités et un arsenal de pédales d'effets, que ce soit pour le fuzz ou d'autres. Il y a un travail sur les tessitures et les sonorités, allant assez loin, afin de ménager l'immersion dans l'univers du groupe. Le chant reste sur le fil du rasoir, parfois légèrement en retrait (dans les moments black). Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a aussi un côté chaleureux.
Conjuring est un excellent split. Deux groupes (dont le découvert de TOTFW pour moi), deux approches, un même thème et deux traitements complémentaires. Juste excellent! Un disque qui doit rejoindre ta vie!