Bonkers est un groupe marseillais constitué de 5 gars avec une approche bien pétée en œuvrant dans un rock fusion qui s'éloigne des chroniques habituelles. Mais vous ne sous-estimez pas les cinq gaillards aguerris. Et c'est l'une des chroniques qui tardait car comment expliquer ça?

Si il est vrai que les premières secondes on se demande ce qu'est ce truc que l'on écoute, on oublie vite cette question, balayée par deux éléments: le côté festif, avec cette pointe de folie et le côté fusion. Parce que dire que c'est du rock fusion est extrêmement réducteur ici. Et c'est d'un coup d'une complexité à décrire.
Pour faire simple, le groupe propose un rock chargé de groove dans lequel il mélange électro, jazz, pop rock et rock progressif. Mais là, ne vous attendez pas à quelque chose de structuré habituel. Tu prends cette idée et tu la jettes à la poubelle. Parce qu'ici, c'est pété de chez pété. Mais dans le bon sens du terme. On est sur un ovni improbable, une bizarrerie sympathique à minima, faisant appel à un sens aigu de la fête (ça s'entend sans problème) mais en cultivant une approche, certes pétée comme je l'ai dis, mais paradoxalement bien réfléchie et très posée. Car le quintet va jouer avec des facettes très différentes dans les 7 titres et offrir quelque chose de très varié mais qui est cohérent pourtant de bout en bout.

Chaque titre porte un grain de folie (que ce soit musicalement ou dans les textes / thèmes - on en reparle plus loin). Et c'est là que le groupe s'éclate dans tous les sens. Car un titre aura une connotation musicale plus marquée sur un genre (le jazz, le rock progressif...) mais sa construction repose sur cette hybridation entre un rock chargé de groove et le style du titre. Cela engendre des titres très variés, frais mais surtout qui va exploser les limites, du fait d'un élément clé du groupe: les constructions musicales parfois étonnantes qui vont jaillir des enceintes (ou du casque, c'est selon).
En effet, si passer d'un rock / jazz-rock à du progressif reste plus ou moins logique (si on oublie les étrangetés qui ponctuent le tout), avoir un titre qui sonne electro avec les instruments du groupe (clavier, saxophone, basse, guitare et batterie) frise avec une forme de génie, qui, plus est toujours avec ce côté pété festif et attractif.

Le groupe crée aussi une ambiance plutôt délicate, parfois lounge, parfois proche de l'esprit d'un smooth jazz. Mais ne vous fiez pas à un titre tranquille, posé car le groupe n'hésite pas à casser les codes et passer d'un passage plutôt fait pour emballer à quelque chose de diamétralement opposé, plus rentre dedans et te faire sauter dans tous les sens. Cela dit, même dans les passages doux (ou les titres doux), il y a toujours, au fond, en embuscade une énergie rock avec ce groove qui veut te faire danser à minima. Et on se prend au jeu (en tout cas, ça m'est arrivé) de suivre le tempo d'un tapage de main (et donc l'appel du pied n'est pas loin). Mais où c'est vraiment fou, c'est lorsque des titres vont tout mélanger et engendrer quelque chose d'assez improbable où les règles se brouillent et que le groupe crée les siennes (et cette approche me fait penser, dans un style différent, à Prungk). Genre 'Pick up sticks', très electro jazz rock (oui, c'est bizarre) va balancer soudainement un chant growlé qui ne fait pas tâche, malgré son côté incongru.
Aussi fou que ça puisse paraître, le groupe délivre quelque chose qui tient des atmosphères en même temps qu'allez évoquer des groupes, des styles, tout ça à travers un état d'esprit libre, sans contraintes apparentes (alors que le groupe, au-delà de la technique évidente, se pose de sacrées contraintes musicales pour la cohérence), visant toujours cette approche festive.

Parlons des rythmiques. Là aussi c'est la fête. Car on passe de rythmes jazzy à quelque chose qui frôle la dance en passant par un rock progressif pour mieux virer vers quelque chose dont la nature nous échappe mais on s'en fout, c'est logique au sein de leur musique. La batteur offre un jeu extrêmement varié, qui polarise des styles différents tout en offrant une fusion de ceux-ci. Et la paire rythmique, basse-batterie dégage un groove omniprésent mais sait aussi se désolidariser au besoin d'une improbable incartade soudaine. Quand ça ne flirte pas aux limites, un instant, du rock et du metal ('fish and chips'). Ce qui implique un sens de la composition élevé en même temps qu'une notion de savoir s'éloigner des codes et autres poncifs.

Et on en arrive au chant. Forcément, il est adapté aux styles qui éclatent comme du popcorn. On a quelque effets, notamment dans l'approche electro mais sait aussi offrir de l'énergie dans les titres à l'essence plus rock ('against the wall'), tout en balançant, ici et là, des moments improbables (putain, le moment où il y a un chant saturé proche d'un growl) qui ne tranchent pas avec le reste mais s'avère d'une incroyable cohérence dans la folie organisé du tout. Et c'est là qu'il est utile d'évoquer les titres et les thèmes de problèmes existentiels comme le prix des places de parking exorbitants en centre ville ou de quoi parle exactement les livres sur le développement personnel. Oui, c'est pété jusque là, le tout dans la bonne humeur que le chant porte, tout en offrant une grande modulation au besoin des titres. Il peut être assez haut perché comme offrir quelque chose de plus graduel, suivant les structures alambiquées et pétées des titres.
Le son est juste excellent. Car il garde un équilibre important entre la base rock et les mélanges des styles, offrant une grande clarté. Tous les instruments sont présents, très audibles, avec des effets liés au style ou au besoin que les membres ont ressenti. La basse est très présente, apportant un impact en même temps qu'une profondeur qui apporte ce groove que l'on retrouve partout. Et il y aussi dans le son cette notion de folie.

Bonkers se fait découvrir par un album pété, festif, qui se branle pas mal des étiquettes, en posant son étiquette de 'nu-clubbing rock' qui colle à ce qu'ils font. Un album qui me semble tailler pour la scène, sans vraiment de limite de genre. L'album plaira aux curieux ouverts d'esprits et à ceux qui aiment les choses improbables et les mélanges des genres, dans une ambiance foutraque joyeuse qui n'est pas foutraque au final. A découvrir!