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Climaxes and vacuity

Am I not

Autoproduction

9 janvier 2025 à 16:23:54

Dématérialisé

2024

9 titres pour 31'07''

Une petite vidéo:

Am I Not est le projet one man band de Ian Debeerst, bassiste chez Sordide et Vain Valkyries. Il a à son actif un premier Ep en 2017 'Apparent void' et revient avec cet album, dans une lignée, comment dire? Comme il se définit par défaut, avant-gardiste. Car oui, avant-garde metal est ce qui pourrait le mieux définir la musique de ce projet.

Dès le début de 'I kill time', le ton est donné, nous offrant des indices de ce qui nous attend: c'est un bassiste, au bagage black metal (Sordide) et post metal / post rock (Vain Valkyries), sur lequel va se greffer des circonvolution sortant de son esprit surchauffer, nous amenant dans diverses directions qui gardent une cohérence malgré cela. On y trouve de la fureur et une certaine sauvagerie presque primitive qui va côtoyer des éléments ouvertement atmosphériques ou mélodiques, se confrontant à des breaks, des ruptures et autres dissonances et dissociations. Le titre nous embarque très rapidement dans un melting-pot de genres et de variations, jouant sur la lourdeur, le malsain ou au contraire, une forme de sérénité déviant dans quelque chose regardant vers la country (dans le riff et en partie la structure). C'est cette base complexe qui va nous offrir un voyage jusqu'au-boutiste de Am I not.
Et le titre ouvre vraiment un univers et un festival du flingage en règle des repères: les structures peuvent être extrêmement différentes d'un titre à l'autre, reposant sur une base largement black metal qui reçoit des extensions en tous genres, explosant les limites des genres. On aborde un univers très dense, complexe et paradoxalement, extrêmement instinctif. Surtout que celui-ci va piocher au bonheur des genres milles variations, intégrant ensemble des choses à priori pas faites pour se rencontrer.

Si tu n'es pas trop habitué à pareil approche, il te suffit de poser tes aprioris de côté et de te laisser prendre au jeu de Am I not. C'est structurellement chaotique mais avec une ligne directrice et une articulation autour du black comme je l'ai dis et de la basse. Car la musique se veut massive et intense. Massive par la puissance, la furie explosant soudainement, après un moment plus sombre ou complètement à l'opposé, massive aussi par le jeu des saturations et des dissonances. Et intense aussi par ce dernier point, les dissociations qui parsèment la musique, le choix des structures des styles qui se rencontrent, sans vraiment se mettre de limites, à par la cohérence qui découle de l'album. Ce qui est quand même une prouesse dans le genre, les titres pouvant explorer des facettes très différentes, semblant n'avoir que peu de choses en commun et qui, pourtant, font sens ensemble.
C'est un festival des genres, aussi bien par le metal (le black en tête) mais aussi quelque chose de plus progressif, des relents death, thrash voir heavy prog / heavy rock (ça, ça joue avec la lourdeur - aussi bien par le son que les structures mais aussi l'imaginaire collectif que l'on partage et les codes des genres) que par le rock et ses multiples rejetons comme le stoner, le post punk. Ou encore des styles qui n'ont rien à vous comme la soul, le blues, le pop rock voire des choses plus exotiques ou excentriques (et ouvrant une étrange logique implacable)
Mais la vraie puissance résidence dans les transitions entre les styles, pouvant passer d'un moment assez tendu à un autre plus posé ou offrir une base pouvant aller soudainement vers quelque chose qui mêle l'extrême: du funeral doom avec un black malsain, poisseux et une lourdeur du sludge, avec une fluidité qui se joue en quelques mesures, jouant avec les structures, nous emmenant d'un paysage étrange vers une noirceur absolue ('Let's just kill my friends' est un monument du genre).

L'intensité s'offre par d'autres aspects, plus complexes, jouant sur l'atmosphère, le malaise (les dissonances, les altérations, la dissociation), la forme du son ou un appui émotionnel varié. La part atmosphérique se veut très immersive, jouant sur la notion de tsunami (associé avec la rythmique qui mérite à elle seule un paragraphe). Il y a une idée derrière cette approche, au-delà de nous plonger dans les méandres de la musique: celle de nous intégrer dans un univers atypique, à la fois cauchemardesque et attractif, avec ses aspérités plus lumineuses. Cela permet à Ian d'offrir une grande souplesse dans l'aspect émotionnel et atmosphérique, en veillant à garder un lien avec le black et une notion plus diffuse de malaise et de contradictions.
Contradictions qu'il incarne par des contrastes de structures, de rythmiques, de styles ou même à travers la composition des titres, ouvrant la voie à des passages proposant aussi bien un onirisme sombre qu'un déferlement de violence ou de poser une forme d'abstraction qui lie le segment du titre à l'ensemble de l'album. Cela amène des passerelles à grandes échelles dans l'album, tissant différentes trames à des échelles différentes et qui se recoupes dans l'absolu. Et ces contradictions se font aussi dans l'opposition de codes des styles - à travers leur structure mais aussi le traitement du son.
Celles-ci se découvre d'ailleurs dès le début de l'album, en se mêlant aux circonvolutions musicales, performant une idée d'exploser les limites mais aussi d'offrir une cohérence biaisée étrange, qui renvoie de nouveau vers cette idée de structures à différentes échelles (de styles, de temps et de taille).
Il y a des gimmicks qui reviennent dans l'album, par des sonorités, des bruitages ou même de brèves boucles musicales (pouvant emprunté des aspects à l'électro). Ces gimmicks sont une sorte de repères hallucinés que Ian nous met par endroit, entretenant à la fois une cohérence et cette approche échappant aux conventions.

Il est impossible de ne pas évoquer la rythmique. Celle-ci découle de la vision de Ian mais aussi du fait qu'il est bassiste. Cela engendre une approche avec des aspects plus convenus que d'autres partant dans des chemins complètement fous. L'aspect rythmique est très important chez Am I not. Il est plus qu'une structuration: il est un des éléments structurant de l'album, jouant sur des aspects très variés, aux teintes différentes.
Pour cela, Ian s'appuie sur les codes des styles qu'il injecte, jouant sur la lourdeur ou le tempo, pouvant offrir des passages aussi bien oppressants que plus aérés, utilisant pour se faire des patterns de batteries parfois étranges, parfois conventionnels, associés avec un jeu de basse très varié, s'ouvrant sur une complexité des structures et des approches, jouant sur la notion même des repères. Il y a une idée d'incarner la rythmique comme une entité essentielle aux milles facettes, offrant aussi bien des déploiements que des replis. Et cela lui permet de pouvoir avoir une ambiance bien marquée de parts en parts en même temps que son approche entretien un lien à la fois avec l'aspect black et l'approche totalement libre. Tout se faisant par transitions et jeu avec les codes.
Le traitement des rythmiques offre des paysages musicaux très différents, jouant sur la variété mais en gardant toujours quelque chose de cohérent, même dans les aspects les plus extrêmes. Là aussi on retrouve certains gimmicks qui reviennent dans différents titres, avec des variations (par exemple les rythmiques plus exotiques aux visages différents) ou précédents des breaks libérant un défouraillage en règle (au tempo extrêmement différents d'un segment à un autre), jouant sur une noirceur s'insinuant derrière des volutes chaotiques plus lumineuses.

Le chant est à l'image de la musique. Il montre différents visages (post-punk, rock, black...) mais va aussi mettre en pratique l'idée de mélanger tout ça dans des titres, jouant sur les facettes, la dissociation et appuyer la trame étrange de l'album. Mais le chant dessine aussi quelque chose de plus vaste, qui se ressent sur la globalité de l'album. Le tout renvoyant, associé à la musique et au chant, par les textes aussi, au titre de l'album.
Le son est excellent. Lui aussi offre des facettes différentes nécessaires à la cohérence de l'album, puisant dans les styles. On a un son complexe qui se met en place, jouant aussi bien sur la puissance massive du black, que de la noirceur ou des éléments exotiques se recoupant au sein des titres. Cela offre une écoute riche, complexe, avec des détails soignés. La basse est très présente, jouant sur le contraste mais aussi sa nature même, mise en exergue avec les guitares aux multiples facettes (écrasante vie le metal, plus légère via les éléments plus atmosphérique et plus direct par l'aspect rock (et les dérivés)). La batterie est offre un traitement particulier, du fait des circonvolutions offertes dans la musique. le fait que Ian soit seul mettre à bord lui permet d'avoir de bout en bout un contrôle sur sa vision et le rendu musicale, aux multiples effets (on a même des passages plutôt noise bien sauvages tout en fulgurances). Le chant n'est pas perdu dans la musique, d'autant qu'il joue avec les codes. Les arrangements sont vraiment réfléchis, avec un travail soigné sur l'ensemble.

Am I Not offre un album complètement fou, que le seul qualificatif d'avant-garde metal permet de nommer. C'est complexe et pourtant accessible, avec une cohérence de bout en bout, marquant le titre de l'album et qui, pourtant offre une bonne branlée en règle, en jouant justement avec les règles. La curiosité vaut vraiment l'effort avec un album juste excellent, explosant les limites des codes!

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