MARGOTH 5
PDF5
Carnage
Rotten Martyrs
Autoproduction
27 décembre 2024 à 15:58:47
Dématérialisé
2024
8 titres pour 30'45''
Une petite vidéo:
Rotten Martyrs est un trio français né de l'envie et de la rencontre de proposer de synthétiser l'expression 'parpaing dans la gueule'. En découle ce premier méfait, sur une base death / deathcore (et c'est un peu plus compliqué dans les faits).
Le trio n'y va pas avec le dos de la tronçonneuse et y va à fond, dès le début, après néanmoins une intro qui esquisse une atmosphère qui rejoint le cinéma d'horreur (d'ailleurs, les titres suivent cette voie), avant un lâcher en règle d'un camion de parpaing sur ta personne. C'est directement un mélange entre un death lorgnant vers le gore et un deathcore plutôt vénère qui jaillit directement et sans ménagement. C'est cette base, jouant sur les deux registres qui sert de terreau à la musique que nous déploie pendant une demi-heure le groupe.
Le côté death teinté gore est d'approche plutôt moderne, en logique avec l'idée de l'associer au deathcore. Mais le deathcore n'est pas là pour supplanter le premier repère. Leur death qui sert de base se veut oscillant entre quelque chose d'assez sombre, plutôt vers le gore, comme je l'ai dit mais avec l'idée de ne pas se borner à un seul angle d'attaque. Le trio offre un death protéiforme bien vu, permettant de naviguer dans arcanes jouant avec les codes et des éléments renvoyant au cinéma d'horreur. Il y a injection d'un aspect sombre, jouant parfois avec quelques éléments plus symphoniques (apportant un effet baroque, pouvant renvoyer vers une esthétique évoquant la Hammer). C'est quelque chose d'intéressant, car permettant d'explorer cet univers mais aussi d'apporter un angle différent.
Le death va aussi cultiver des moments plus lourds, plus poisseux et qui fait là le lien avec un des aspects du deathcore évoqué, en plus de pouvoir offrir une modulation musicale et vocale. Les deux styles faisant la part belle à une rapidité et une vélocité assumée, dont le lien avec l'aspect symphonique m'évoque un groupe Aryoch. Il y a une sorte de stratification entre les nombreuses parties intenses et rapides et les quelques moments plus lourd, poisseux, qui font appel au plus retors du deathcore, amenant parfois des parties, en mêlant les deux éléments, assez alambiquées. Cela apporte une sorte de trame structurelle, peut-être avec un sentiment que parfois des structures se répètent. Mais cela n'est pas gênant, bien au contraire. Car, aussi surprenant que ce soit, l'impression que c'est volontaire et lié au tout apparait, servant d'incarnation à une monstruosité latente. Et qui prend corps dans l'ensemble.
La lourdeur n'apparait que quelque fois de manière frontale, avec des breaks meurtriers. Mais ce n'est pas là le plus intéressant. Car celle-ci apparait surtout dans des moments impromptus, jouant dans les structures, permettant d'offrir du contraste et de la profondeur (avec un riff lourd sur une rythmique sous acides (oui, il y a beaucoup d'acides)). Parti pris intéressant car cela offre au trio des champs d'exploration qu'il va parcourir, jouant avec des codes qu'il pose et d'appuyer cette atmosphère horrifique.
Cet aspect horrifique est structuré par différents moyens: le chant, en toute logique, les textes mais aussi un appel à des mécaniques subtiles (étonnantes au regard de la musique) qui valent un détour de leur côté.
En effet, il y a des éléments qui viennent apporter ce sentiment horrifique qui apparait parfois. Si on retrouve des éléments structurels, la dissonance ou les altérations sont présentes, jouant sur le ressenti de manière habile et sans en abuser. C'est présent, sans en faire trop. Un juste équilibre bien maitrisé.
On retrouve aussi des éléments venant des arrangements, comme des sons désagréables, un appel à des gimmicks du cinéma (les chants religieux, les violons (avec un éventail d'effets), des sonorités précises...). Mais aussi ce côté parfois symphonique que j'ai évoqué, renvoyant à la Hammer et d'autres films.
Cela renforce étonnamment le côté frontal de la musique, en jouant sur la perception mais aussi l'imaginaire collectif que l'on peut avoir, nous mettant face à celui-ci et à celui qui nous appartient à tout un chacun.
Si certains éléments peuvent sembler des ficelles faciles, il n'en est pas moins intéressant que l'exploitation de celles-ci va rejoindre parfois des champs inédits et brouiller un peu les pistes, amenant un regain d'intérêt (en plus du reste s'en dit).
Le chant est plutôt guttural, avec un mélange gore / deathcore bien vu, le chanteur y trouvant des passerelles. Mais son chant va aussi appuyer le côté horrifique des titres, en le poussant dans des retranchements évoquant une monstruosité et faisant un lien avec l'ensemble. Il y a des la variation malgré cela mais sans tomber dans la facilité d'un chant clair contrastant trop simplement. Les contrastes existants étant dans le chant saturé.
Le son est énorme et massif, avec une tonalité sombre et grasse. Cela permet de jouer avec les guitares et leur tonalités ainsi que les arrangements. La batterie est sous acide, avec un jeu de tonalités jouant sur différents aspects, stratifiant son usage et le rendu voulu, de manière logique et cohérente avec la musique. Plaisir coupable avec la basse bien présente, au visage polymorphe, jouant la tonalité et son rôle parfois ambivalent dans la musique. Le traitement du chant est particulier: on l'entend nettement mais celui-ci est légèrement en retrait, appuyant cette idée de thématique de film horrifique. Ce n'est pas con du tout!
Si tu cherches de quoi prendre une bonne branlée en cette fin d'année, tu peux ajouter Rotten Martyrs à ta liste. Le groupe propose un premier album plutôt jouissif, avec ses particularités, peut-être des défauts aussi mais ceux-là ne desservent pas le groupe et sont même parfois un catalyseur. Fais toi plaisir, honnêtement!