

MARGOTH 5
PDF5
Broken speech
Owl Cave
Time Tombs Production
10 octobre 2021 à 08:32:58
CD digipack
2021
1 titre. Durée: 43'11''
Une petite vidéo:
Owl Cave est un one man band de l'Île de France né en 2018 et qui a mis 3 ans à produire cet étrange objet sonore, qui se différencie pas mal de tous les autres projets (globalement).
Broken speech est un instrumental massif, complètement ancré dans le metal extrême, sans vraiment pouvoir y coller une étiquette, même si des évidences de styles émergent. Alors, faire de l'instrumental, ce n'est pas évident (car il peut y avoir le souci qu'il manque quelque chose) et il y a un risque de redondance voire même d'ennui. Alors, qu'en est-il (meilleure introduction de la semaine!)?
D'emblée, la bête puise clairement dans le black metal. Mais en choisissant celui qui est dissonant, malsain et assez sombre. Il y a énormément de structures qui en viennent, ripant parfois vers le ritual. C'est très lourd, entretenant une sorte d'asphyxie dans laquelle S (l'individu derrière Owl Cave) va progressivement amener d'autres choses, liées entre elles par le coté metal extrême et par un fil rouge et une cohérence que l'on retrouve de bout en bout.
On a ainsi une entité massive mais qui renferme diverses parties explorant différentes facettes, créant des atmosphères particulières. Bon la joie n'y semble pas trop présente mais qu'importe, tant que cela fonctionne. Et cela fonctionne car le propos est enrichi par l'ajout des différents styles.
On retrouve des touches d'ambient, des éléments purement industriels, du sludge... c'est très varié mais cela colle bien à une idée qu'à développer S: les différentes parties de la pièce maitresse brasse différents ressentis émotionnels et créent ainsi un ensemble cohérent entretenu à la fois par l'approche générale qui reste la même et un fil conducteur qui émane au long des différentes parties engendrées.
Il y a un coté expérimental qui surnage aussi. Mais ici l'expérimental ne laisse rien au hasard, celui-ci reposant sur la structuration de l'ensemble et de l'exploration des différentes voies, sans que ceci ne laisse l'ensemble dériver n'importe où. Car la trame, restant la même dans l'esprit, s'appuyant sur les différentes caractéristiques des styles qui se rejoignent lors des différentes phases. Il y a un jeu qui s'installe avec une sorte de dualité complémentaire où le lien entre une phase plus sludge (par exemple) sera, en même temps qu'une opposition à la trame de base, un élément complémentaire appuyant et enrichissant cette fameuse trame, tissant un ensemble dense et fourmillant de détails.
Et cela engendre ainsi des entités dans l'ensemble, marquant leur présence par différents biais, variant suivant les besoins. Mais un élément crucial est le domaine des rythmiques. Celles-ci sont primordiales (car pouvant être tribales ou plus furieuses, entre autres), permettant d'amener les différentes ambiances qui constituent l'œuvre et permettant de créer différentes phases alternant des moments très calmes (mais toujours avec cette noirceur et ce coté dissonant) et d'autres furieux, à la limite de la perte de contrôle (mais qui n'arrive jamais, celle-ci risquant de mettre en l'air tout l'ensemble). Car mine de rien, il y a une idée de contrôle absolu dans ce disque. et c'est ce qui permet donc d'oublier rapidement l'absence de paroles, supplées par l'approche musicale, les ambiances et la structuration des différentes parties. Et cela permet de dégager des moments très éthérés, presque oniriques, apportant de l'oxygène au coté anxiogène et sombre qui suinte. On pourrait craindre une déshumanisation de l'album du coup, mais il n'en est rien.
Car si effectivement c'est un instrumental, quelques voix apparaissent brièvement ici et là. Leurs apparitions n'ont pas de but de rendre plus joyeux l'ensemble, loin de là. Elles renforcent le coté sombre du tout. Mais leur présence rend plus humain l'étrangeté que nous propose Owl Cave et par cet aspect, apporte à la noirceur une lueur. Mais l'aspect des quelques voix se voit compléter par des sonorités qui casse ce coté humain, amenant un aspect plus froid, venant par des phases indus qui paradoxalement, renforce ce coté humain. C'est foutrement bien vu. Et si l'absence de vocaux se fait oublier aussi bien par la structuration, le fond et la forme, les textures sonores qu'amène Owl Cave y sont aussi pour quelque chose.
Car il y a une multitude de détails dissimulés dans la musique, via des textures sonores ou des ajouts de sonorités qui vont plus loin dans l'expérimentation et qui accentuent l'aspect instrumental tout en faisant que l'on oublie ce détail, pris dans le flot que nous propose Owl Cave. Ajouté au coté de l'étrangeté attractive qu'est cette entité.
Et on ne peut ne pas évoquer l'artwork. Celui-ci colle complètement à la musique, renfermant lui aussi beaucoup de détails, prolongement visuel de l'univers que nous offre Owl Cave. On retrouve cet aspect sombre, étrange mais aussi l'idée de l'éther, avec cet angle d'approche particulier qu'à la musique, liant les deux entités artistiques.
Le son est aussi un élément essentiel du disque. Je vous vois venir: le son pour de la musique, c'est normal... J'évoque plus le traitement sonore lié aux éléments ajoutés. C'est un album très dense, massif, avec un coté brut. Et le travail sur le son renforce ce constat et qui renvoie directement à la cohérence du tout. La dissonance se retrouve associée à la basse écrasante, semblant être une part du squelette de l'œuvre enregistrée. Et là aussi, ce travail ne laisse vraiment rien au hasard et laisse entrevoir que S à un but derrière Owl Cave. C'est certes atypique et étrange mais il serait bête que vous passiez à coté d'une telle œuvre, qui plus est le début de quelque chose d'intriguant.