

MARGOTH 5
PDF5
Brief is the light
Near Death Experience
M&o Music, Wormholedeath
18 septembre 2025 à 15:30:50
Dématérialisé
2024
10 titres pour 47'49''
Une petite vidéo:
Near Death Experience est un one man band de Nantes mené par Mathieu Bonfardin, à ne pas confondre avec les américains de NDE (Near death experience) bien plus violents et bourrin. Ici, on a quelque chose de très posé, puisant dans le metal gothique et le doom, le tout largement atmosphérique.
L'album s'articule autour de 10 titres où la joie de vivre n'est pas trop au rendez-vous mais sans tomber dans une noirceur absolue. C'est plus une noirceur poétique (du fait des riffs, des instruments utilisés) fortement mélancolique. Comme si on était hanté par un passé triste mais pas négatif.
C'est rare que je chronique du gothique, déjà parce que je n'en fréquente pas trop et que j'en ai peu dans ma collection (Remember the light et 'October rust' de Type O Negative). Pas que je n'aime pas le genre mais parce qu'il y a tellement de choses qui m'accrochent que je n'ai pas le temps (et les moyens).
Alors, cet album offre une opportunité de parler d'un projet intéressant qui va plus loin que la simple étiquette du genre. Si il y a évidemment les codes des deux styles qui cohabitent et se complètent, accompagné d'un chant féminin, il y a des choses qui vont beaucoup plus loin dans l'architecture de la musique, dont le ton est donné au premier titre ('And the there was silence') servant d'introduction et portant des clés de l'album, en même temps que le fil de atmosphère qui se développe sur l'album. Mais il porte aussi un jeu de tonalités et de gammes qui joue avec les codes des styles (notamment un jeu de descente de gammes et de tonalités, appuyant un contraste et une complémentarité, selon le besoin, entre le gothique et le doom.
L'aspect gothique est enveloppant, baignant avec une atmosphère puissante et élégante, s'arcboutant sur des sons naturels comme un orage, la pluie ou le glas d'une église perdue dans la campagne. Cela induit du coup un rythme assez lent, n'empêchant pas la puissance d'exister au moyen des atmosphères mais aussi du chant ou des certains gimmicks musicaux. Les adeptes de gothiques trouveront très rapidement leur marque, sans le moindre doute. De mon coté, je suis un peu limité avec le gothique hormis la vision de Type On Negative qui partait vraiment vers un doom poisseux sur les derniers albums (avec encore moins de gaité). Ici, Avec Near Death Experience, c'est plus sur un gothique posé, plus comme Remember the light, prenant son temps mais posant aussi des éléments clairement différenciés dans certaines structures et rythmiques, qui vont jouxter doom et gothique. Et c'est très malin car l'aspect doom ne se borne pas à quelque chose de simple.
Ici, le doom prend le temps de s'envoler et de se moduler, glissant parfois vers des relents plus funéraire, évoquant brièvement du funeral doom, couplé à du gothique. Le doom va servir a amplifier certains caractères du gothique, mettant en valeur des aspects d'où s'exhalent une forme de poésie vaporeuse, jouant avec la finesse et la subtilité, complétant l'immersion avec le chant. Le doom va aussi parfois ajouter de la lourdeur à la tristesse du gothique (je ne sais aps pourquoi le nom de Tristania m'explose en tête à ce moment précis...).On a du coup un jeu avec des structures et des rythmiques, pouvant être parfois assez complexes et surtout, jouant le contraste avec des moments déstructurés ou plus chaotique, s'appuyant sur des altérations ou des contretemps, de manière brève, ce qui favorise l'efficacité et évite l'écueil du trop plein.
On a ainsi des structures parfois assez complexes comme je l'ai dis. Mais pas comme on pourrait s'y attendre. La complexité reposant sur un rythme assez lent, parfois lourd ou alternant les deux aspects mais aussi un jeu de riffs très variés mais cohérents qui repose sur ce que j'évoquais au début. Ce qui complexifie vraiment ce point, c'est le travail sur les sonorités, les tessitures et les gammes.
C'est intéressant car ce jeu permet de mettre en valeur les deux aspects fondamentaux de la musique, avec une ligne directrice qui évite une dérive et engendre un véritable carcan musical où les sonorités et le jeu des riffs. Et là, il y pointe une petite subtilité, au sein des riffs. Ces derniers ne se bornent pas qu'au gothique et doom et vont aller effleurer des choses comme le thrash, évoqué des relents death (accentuant l'impression de noirceur et de lourdeur, là aussi de manière brève et efficace) ou d'autres sphères (doom rock?), ce qui permet de densifier la musique et offrir des moments où on remue la tête, se retrouvant quelque part dans un doom gothique à la puissance poussée par ces riffs parfois titanesques (aussi bien dans l'idée de la puissance que la charge émotionnelle (complétant ainsi l'usage des claviers)).
Ces riffs sont efficaces et vont nous évoquer d'autres genres et groupes mais en restant ancré dans la base gothique / doom atmosphérique. Certains titres vont ainsi être transcendés, sans pour autant trahir le matériel de base, à l'image de ' Her wounded soul'.
Et là, tu te demandes peut-être pourquoi tout ça? Et bien tout simplement pour faire le lien et la cohérence entre les sujets. Car le projet évoque forcément les expériences de mort imminente (c'est un sujet passionnant, si tu ne t'es jamais plongé dedans) mais aussi les violences conjugales, expliquant pourquoi certains riffs vont titiller des genres plus agressifs, sans pour autant tomber dans la facilité, ainsi que ce jeu des tonalités et des gammes changeantes. C'est simple et pourtant, il fallait y penser et arriver à mettre ça en branle, tout en conservant une cohérence inhérente aux styles de base. Et c'est là que l'on comprend le côté ambitieux du projet, en même temps que la difficulté plutôt casse-gueule, que Mathieu à largement vaincu.
Le chant est un chant féminin, plutôt lyrique, mené par Anne Soazig Couëdel. C'est un chant clair forcément où à quelques rares moments elle va offrir un chant murmuré (une ou deux fois), laissant surtout passer l'émotionnel et cette étrange sensation de tristesse paradoxalement lumineuse. C'est triste mais c'est beau, avec un chant contrôlé.
Le son est excellent. Le style exploré demandant beaucoup de subtilités, on a un travail marqué sur les sonorités et les arrangements. Ils complètent le son des instruments, avec des guitares différentes dans les tonalités, selon les aspects explorés (plus grave ou plus dans les aigus), jouant avec des contrastes puissants. La basse s'entend aussi et se retrouve compléter par certains aspects de la batterie, comme la grosse caisse ou la tonalités des toms. Très cohérent, puisque cela recoupent l'idée globale des thèmes, auxquels le claviers apporte à la fois un supplément et une poésie atmosphérique.
Near Death Experience est une découverte à faire. Sur une base gothique doom atmosphérique, on découvre un projet ambitieux et profond, très immersif où l'efficacité s'avère redoutable, en jouant pourtant sur quelque chose d'assez lent et lourd. C'est brillant franchement et c'est un album qui rejoindra en physique ma collection (parce que des gens doivent le découvrir).