

MARGOTH 5
PDF5
Architecture du vertige
Përl
Klonosphere
22 octobre 2025 à 16:03:54
Dématérialisé
2025
7 titres pour 42'38''
Une petite vidéo:
Përl est un trio (quatuor en live) post metal, post back et post rock (pour faire simple) de Paris qui nourrit une approche particulière avec 3 albums à son actif et qui nous revient très en forme avec ce nouvel album.
L'album s'ouvre sur 'Royaume des songes' et sa basse écrasante, qui va se mêler rapidement à d'autres éléments, certains conventionnels (les riffs, les rythmiques...) et d'autres moins, comme les synthés modulaires ou l'alternance d'une batterie acoustique et une électronique. Le titre nous remet rapidement dans l'approche particulière du groupe, alternant les fulgurances de rages et de poésie et les structures parfois plus atypique. Le groupe reposant sur un équilibre en post metal, post black et post rock, tirant la quintessence de ces styles pour offrir ce qu'ils ont de plus impactant. Et là, je viens de terminer la partie facile. Parce que Përl, c'est aussi de la complexité à (presque) tous les niveaux et un jeu pour brouiller les pistes. Et là, c'est un album qui pousse le curseur, dans le bon sens du terme.
'Royaume des songes' n'est que l'esquisse de l'album, de ce qu'il est et de l'évocation de l'évolution de Përl. Comprends bien que le groupe va vraiment explorer à fond son identité musicale (à travers les textes ou la musique). Chaque album porte un ou deux titres vraiment marquants ('les maîtres du silence' déployant plutôt 3 titres vraiment forts). Quand je parle de titres marquants, je tiens à préciser que ce sont des titres à la puissance musicale et émotionnelle bien supérieur aux autres, qui n'en sont pas moins redoutables. Et cela passe par le mélange des genres et le jeu des structures et des rythmiques qui construisent l'album.
L'album renferme des passages nerveux, même agressifs, jouant sur les notions de clair-obscur, qui offrent un album avec différentes facettes, puisant aussi bien des parties dans le post metal que dans le post black (certains passages ayant une empreinte vraiment typée black) et allant chercher des atmosphère aussi bien dans ces registres que vers le post rock ou d'autres styles plus inattendu (le blues par exemple, sur 'Fjara'). Cette assimilation et alternance des genres apportent un premier élément à cette idée de clair-obscur. Elément qui est rejoint rapidement par la structuration mais aussi l'usage des synthés modulaires et des rythmiques ouvrant aussi bien des voies tribales, ambient ou même clairement différentes du reste. Përl cultive ainsi une identité forte, plus nette encore ici, permettant de jouer aussi avec les oppositions et un jeu plus discret rappelant le concept d'attirance / répulsion (qui rejoint l'idée de clair-obscur). D'autant que le groupe va jusqu'à mêler au seins des titres les styles, amenant parfois une fusion à l'efficacité redoutable.
Les textes renforcent aussi cette idée, de par les thématiques et leurs traitements (j'y reviendrai plus loin). D'autant qu'Aline offre un chant très varié, avec deux aspects nets, jouant là aussi l'idée du clair-obscur.
Et cela passe aussi par les émotions véhiculées par la musique ou le chant, comme la colère, la mélancolie, l'espoir ou offrir de la sérénité.
On retrouve de la poésie dans l'album, comme sur les autres. Cela passe par la musique et les textes, le chant mais aussi quelque chose de plus profond, allant au-delà de la musique, plus ancré dans l'ADN de l'album, offrant une structuration et des textures différentes, jouant sur la complémentarité, passant par le jeu des structures et rythmiques.
Si on retrouve des éléments propres aux styles explorés / exploités, Përl va plus loin encore que sur le précédent album, s'émancipant encore plus des cadres. Cela amène des moments pouvant être suspendus ou de soudaines fulgurances (toujours dans cette idée de clair-obscur) et nourrit tout ça, tout ce qui a été évoqué par une vision musicale bien définie, porté par une identité forte.
Et cela engendre des titres pouvant être complexes dans leur formes structurelles (passant d'un style à un autre par une transition fluide ou jouant la carte de la rupture, ici et là, de manière totalement inattendu au regard du contexte. Et qui, du coup, permet d'offrir des titres percutants, pertinents et immersif dans l'univers du groupe. Mais aussi d'engendrer des titres vraiment marquants, dont quatre sont vraiment au-delà des limites dont Përl s'émancipe, que ce soit en terme de durée ou de forme.
Avant d'évoquer ce point, je reviens sur les rythmiques et les structures. Les deux sont liées intimement et pourtant arrivent aussi à exister indépendamment de l'autre. Il y a un gros travail sur les rythmiques, jouant avec les deux batteries et les codes musicaux qui peuvent s'y reposer, jouant parfois sur un aspect flou savoureux ou allant vraiment à fond dans le jeu des rythmiques aux codes bien marqués (toujours avec cette idée de clair-obscur). On a des rythmiques extrêmement variées, aussi bien ritual, black ou même binaire, offrant une structuration plus singulière mais collant à l'atmosphère ou au passage identitaire d'un titre.
Les rythmiques jouent vraiment la variété, associées à une cohérence absolue, d'autant que les tempos peuvent être là aussi complexes dans l'approche ou leur structuration.
Les structures reposent aussi bien sur les riffs de guitares et la basse que dans une idée plus globale liée à l'approche du groupe, engendrant des passages complexes, intenses ou plus légers, jouant la carte de la poésie ou pour amener un moment d'oxygène (avant de nous replonger dans une furie impromptue). Les structures puisent dans les codes musicaux, jouant à brouiller les pistes ou a offrir une stratification qui apparait au seins des titres mais aussi de l'album, ouvrant une écoute à plusieurs niveaux. C'est amener de manière subtile, bien que parfois il est choisi une approche plus frontale.
Les structures sont guidées à la fois par la basse et le jeu basse / batterie que par les synthés qui habillent la musique, offrant des moments suspendus ou qui brouillent les limites des genres et de la nature des moments. Le groupe pousse ce point plus loin, affirmant une position singulière terriblement efficace. On est aussi sur une vision attachée à chaque titre, voire chaque parties d'un titre mais aussi dans la vision globale de l'album, qui livre un jeu de passerelles et d'une codification nette. C'est quelque chose qui se dessine dès le premier titre et va prendre vraiment son essor à travers certains titres, marquant une sorte de sous structuration faisant un lien avec cet aspect complexe (et pourtant accessible) qui regarderait vers une approche progressive mais à la Përl.
Et comme je le disais plus haut, certains titres sont vraiment plus marquants. Que ce soit par le jeu des rythmiques et structures que par la nature même du titre et de son essence, jouant vraiment avec les variations, les atmosphères et ouvrant des moments d'accroches absolus dans le titre.
'Fjara' est clairement le premier qui pousse les potards au maximum. De la rythmique transpirant le ritual, avec quelque chose de tribal, avec une sorte de lourdeur qui va permettre d'apporter une poésie à travers les mélodies et les paroles, même si celles-ci traitent d'un sujet peu joyeux (la mort et l'effacement des souvenirs) même si il y a derrière, un angle amenant un espoir. Le titre prend son temps, aux riffs entêtants avant de glisser vers quelque chose de plus profond, plus spirituel, jouant sur le thème des synthés, où la puissance est aussi bien à travers les riffs que l'aspect émotionnel, amenant un traitement du clair-obscur qui prend sur un final où un saxophone offre alors une sorte de blues post metal juste sublime.
'La chute' est le second titre qui m'a marqué. Il suit une trame post metal traversé de fulgurances post black (putain, le jeu des rythmiques est fou), jouant sur les tempos et les atmosphères. Si le titre ressemble à du Përl assez classique, le titre offre pourtant une petite variation par la basse qui fait que l'on arrivera forcément à quelque chose de différent. Et c'est le final qui est une pure tuerie, indissociable du titre, alternant colère et moments plus serein. Ce final alterne le post black vindicatif et la post metal modulé (avec une rythmique plus lente) avant de partir sur la fin du titre juste jubilatoire ou post metal et post black se mêle avec une furie intense modulée ('Et je chute' répété 4 fois, plus agressif à chaque fois, précédent ce moment jubilatoire).
'Land's end' est le troisième titre où la poésie s'impose dès le début avec les mélodies et les synthés, s'associant avec un jeu de rythmiques fabuleux, alternant très certaines l'approche des deux types de batterie. On a une rythmique alternant un visage rituel et un autre plus posé voire lourd, gardant la poésie en elle, où Aline pose son chant tout en finesse. Le thème du début du titre revient plusieurs fois, avec ce traitement des rythmiques, laissant poindre une pointe de folie à un moment assez épique (d'autant que la bascule de la rythmique et inattendue, tout comme le changement de tonalité de la basse. C'est très poétique et pourtant il y a une part de noirceur. Le titre est assez complexe mais amené de manière efficace et intelligente, nous emmenant dans une immersion intense.
'Que l'éclat fasse demeure' clôture l'album et est le quatrième titre qui se démarque vraiment. On oscille entre la poésie dans comme dans 'Land's end' et un post metal / post rock tout en retenue, amenant une approche posée, délicate (sublimant les textes), suivant un rythme assez lent. Le titre s'étire, avec une identité singulière, nous immergeant dans un aspect onirique indéniable. Et c'est là que Përl te fait la surprise du changement. Celui passe par une rythmique soudainement binaire après un passage de nappe de clavier atmosphérique (poum tchak poum tchack, dans cet esprit là) avant d'aller brouiller les codes et injecter à nouveau quelque chose à la croisée du post metal et du black mais en jouant avec cette rythmique singulière et qui permet de boucler le titre sur un final qui n'est pas sans rappeler l'essence du premier titre, servant peut-être à créer une boucle.
Les textes sont superbes. Il y a beaucoup de travail derrière, jouant sur les émotions mais aussi la forme, abordant des thèmes variés qui tournent pourtant autour de la notion du vertige, explorant différentes facettes d'un domaine vaste, flou mais que Përl maitrise et va nous mener là où le groupe veut que l'on aille.
Cela amène des traitements particuliers, mettant en exergue certains aspects essentiels et offrant aussi des liens entre les titres et surement avec les autres albums, la trame des textes ayant un ADN particulier, qui semble lié entre eux les albums tout en offrant une exploration d'un sujet en particulier sur chaque album. On retrouve aussi bien de la poésie dans les titres qu'un aspect analytique qui s'associe à une trame philosophique, qui ouvre là aussi des niveaux de compréhension différents.
Le chant d'Aline est caractéristique. On le reconnait clairement; alternant chant clair et saturé. Mais là aussi Aline va plus loin, prenant un envol qui suit l'identité de son chant et son approche, enfonçant vraiment l'approche poétique et le jeu émotionnel. Le chant est traité avec rigueur, ne laissant clairement rien au hasard.
Le son est excellent. On a à la fois de la puissance mais aussi de la retenue, s'appuyant sur les différents aspects se côtoyant dans la musique. Le son est très bon, d'autant qu'il y a beaucoup d'éléments comme les synthés modulaires ou deux batteries différentes, ouvrant parfois quelques instant qui seraient teinté d'un électro subtil. Les guitares jouent avec les tonalités, servant de structuration et ouvrant une sorte de hiérarchisation répondant à un cahier des charges exigeant. La basse est ultra présente (ça c'est excellent) d'autant que celle-ci offre des tonalités qui peuvent varier. Elle s'équilibre avec le jeu des batteries aux tonalités et usages différents, jouant parfois sur un tableau double pertinent. Les ajouts comme le saxophone ne sont pas perdus dans la masse mais y trouve un équilibre nécessaire et qui apporte une autre dimension. Le chant est à l'équilibre, avec parfois des effets qui amènent une immersion très profonde, ajoutant à la poésie mais aussi à la vision du groupe.
Bon, tu as du comprendre que l'album est une tuerie. C'est une pépite absolue que Përl nous livre, un album qui va rejoindre directement ma collection, pour le plaisir de l'écoute à volonté. Ne passe pas à côté de ce monument intense, poétique et chargé d'émotions.