Fatal est un groupe normand, succédant à Nomed, basé au Havre qui eut sa période faste entre 1997 et 2010 et navigue dans un registre thrash death teinté de grind. Le groupe revient en 2019 dont le travail nous donne cet album.

Dès le premier titre, au début du morceau, un passage m'évoque fortement Groinchurn. De bon aloi pour moi, le groupe ne faisant pas dans la demi mesure. Car dès le début, c'est un coup direct au foie, avec un crochet à la mâchoire, à travers le choix d'un thrash death violent, duquel suinte parfois des fulgurances grind. C'est très direct, avec peu de répit, d'autant que le contenu est dense, avec un rythme soutenu.
C'est d'autant plus jouissif que le groupe ne laisse pas de temps mort, jouant avec les rythmes et les structures des morceaux.

Le rythme est soutenu, comme je l'ai dit, mais offre des variations de styles, apportant une diversité dans la violence, jouant parfois la carte d'une part plus sombre se matérialisant par des moments où une lourdeur arrive, toujours précédé ou suivi d'une fulgurance. Même si c'est quelque chose qui revient souvent, l'effet est toujours là: celui d'avoir l'impression de se prendre tous les bus de la RATP dans la gueule (je suis sur que tu as l'image gravée dans ton esprit).
Le rythme impose souvent un tempo soutenu, parfois sous acide (les soudaines déflagrations grind) mais le groupe prend aussi un malin plaisir à nous malmené avec des changements impromptus et quelques ruptures bienvenues ici et là, apportant une structuration plus forte. Ca laisse son empreinte et offre une part de l'identité musicale du groupe.
Il y a un côté martial dans les rythmiques, glissant une forme de sévérité militaire, qui exacerbe l'impression globale de violence et glisse une notion plus vicieuse, collant vraiment à l'ensemble.

Les structures s'appuient très nettement sur le thrash et le death, offrant une modularité et une fusion des genres qui ne laisse pas indemne. L'aspect thrash (un thrash vindicatif, à n'en point douter), quand il s'offre dans sa nudité absolue me renvoie vers Atrystos / Ultrawar et me fait très sérieusement pensé que Fatal est une influence du groupe.
Fatal joue d'ailleurs avec les gimmicks du thrash mais évite de manière habile les poncifs, amenant un angle d'approche différent et même divergent. C'est intéressant car ainsi le groupe ne se met pas la pression et peut faire un peu ce qu'il veut. Qui plus avec quelque chose qui regarde vers les origines du style.
D'autant que les éléments death pullulent, apportant leur dose de violence supplémentaire. Ca amplifie la violence et apporte aussi une forme de diversité, en jouant la carte du changement. Mais il y a des fois où le groupe arrive à poser quelque chose qui rappelle la période où thrash et death n'était pas vraiment différenciés. C'est malin et apporte une bonne efficacité en plus.
Qui plus est quand le death se mue en furie grind, l'espace de quelques mesures, amplifiant la violence de l'ensemble.

Et malgré tout ça, le groupe arrive à poser un côté mélodique, avec des riffs ciselés, jouant avec les possibilités qu'offre les deux guitares. Cela apporte des niveaux différents de musicalité, jouant sur le contraste et la complémentarité, avec une belle habileté. A aucun moment le souffle ne retombe et Fatal va même jusqu'à parfois jouer à brouiller un peu les pistes, brossant quelque chose de plus flou et plus fou, de manière sous-jacente.
Les mélodies et les riffs sont d'une grande efficacité d'autant qu'il y a un appui parfois marqué avec l'aspect rythmique, jouant parfois un jeu décalé avec la basse, ouvrant une autre dimension à laquelle on ne s'attend pas. Cela permet au groupe d'introduire une approche différente, apportant à sa vision de la musique un esthétisme un peu singulier et qui se recoupe dans les textes ou le chant. A l'image du titre 'Abjection', complètement fou!

On retrouve un chant guttural, naviguant entre thrash death et death marqué, avec un timbre assez particulier qui fait son effet et nous embarque dans le délire, apportant une grande crédibilité aux textes en français. La violence se retrouve dans le chant et les textes, non dénués d'un sens de l'humour et d'un second degré qui, au final, renvoie à un niveau de compréhension différents et permet d'aborder des thèmes marqués.
Le son est excellent. Très massif, avec des guitares bien présentes, incluant la basse, que l'on entend, avec une tonalité un peu différente des guitares. Sur certains passages, la basse revêt même brièvement le rôle d'une troisième guitare. On est sur un son gras, assez grave, marquant vraiment l'identité du groupe.
La batterie est très soignée (qui plus est, avec les patterns qui sortent, il y a de la densité de ce côté là), avec les éléments clairement identifiables. Le chant est à l'équilibre, jouant parfois la perversion en se calant sur les lignes de basse. Le son offre une diversité sans pour autant partir dans tous les sens, le groupe gardant une cohérence de bout en bout.

Fatal livre un album qui marque son retour, en même temps qu'il nous offre une magistrale branlée et une petite leçon de violence que l'on va se rappeler! N'hésite pas un seul instant!