top of page

Antisweet

Sycomore

Source Atone Records

29 janvier 2024 à 15:21:35

CD

2023

8 titres pour 49'59''

Une petite vidéo:

Sycomore est un trio d'Amiens avec trois albums à son actif avant celui-ci, s'étalant de 2016 à 2020. Le groupe officie dans le sludge, avec une petite subtilité qui saura surement te séduire.

Dès le premier titre, ce qui se démarque est le son, apportant une tonalité grasse et un côté un peu épais, en plus d'avoir un côté un peu sale. Le groupe déroule alors son sludge de manière assez directe mais glissant déjà des éléments un peu différentes, venant aussi bien de la noise mais aussi du metal, qui se déversent soudainement dans des fulgurances transperçant la lourdeur poisseuse générale. Le titre joue sur une certaine complexité mais pas vraiment dans les structures. Elle se situe plus dans les lignes ou certains patterns de batterie, de manière parfois diffuse, parfois plus frontale. 'Eternal watts' glisse ainsi une lecture du sludge différente, nous ouvrant une vision d'un sludge teinté de metal, avec une approche par moment nettement plus brutale (d'où ces soudaines fulgurances). Mais cette brutalité diffuse qui se densifie ici et clairement protéiforme, Sycomore injectant différentes facettes à cette brutalité.
Elle n'est pas nécessairement brutalité comme telle que la percevrait mais va offrir des modulations structurelles et rythmiques, notamment en jouant sur un côté hypnotique voire entêtant (on y reviendra). La brutalité va aussi s'exprimer (dans le contexte du sludge évidemment) avec les accélérations de tempos (purement metal) qui vont se télescoper à la lourdeur générale ou à de soudains ralentissements, qui induisent de fait une approche particulière sur les rythmiques que Sycomore mêle à son sludge. Cela amène des sections imbriquées dans les titres qui offrent une seconde trame de lecture, au-delà de la nature même du sludge. Dis comme ça, cela peut paraître étrange. Mais c'est bien ce qui se passe au sein des titres.

Le groupe a une vision singulière du sludge. Il joue avec ses aspects les plus caractéristiques, certains gimmicks mais va aussi glisser quelque chose de différent, qu'il semble vouloir prendre du punk et d'autres sphères, de manière subtile. Et c'est ce qui va influer sur le côté extrême du sludge que Sycomore propose, laissant apparaitre des moments plutôt aériens qui ont pourtant cette trame sentant des relents noise. C'est à la fois très libre mais en même temps, il y a un côté clinique, parfois plus froid, qui vient contraster avec la chaleur du son et la nature du sludge. On se retrouve vraiment avec quelque chose de plus dense qu'on ne le pense de prime abord. Et cela tient un peu aussi à ce que leur sludge va rapprocher les éléments venant de ses origines, qu'il va intégrer avec ce qui semble découler du doom et des riffs éthérés, presque oniriques, qui viennent structurer le tout. Et c'est là que je suis obligé de revenir sur le côté hypnotique du groupe.
Sycomore apporte une importance à intégrer des passages ou des éléments hypnotiques (faisant un lien entre doom et stoner, de façon vague), qui ne sont pas là comme simples éléments ornementaux mais bien comme éléments clés et essentiels de leur vision du sludge. Et cela passe par des phases purement techniques qui s'offrent à nos oreilles, que l'on identifie sans le moindre souci bien que pour moi, certaines confinent au mystère. Et qui glisse ainsi un côté mélodique inattendu, venant, non pas casser un rythme, mais apporter une structuration différente, qui pose d'emblée l'idée de la réflexion derrière l'écriture des titres. Le groupe pousse l'idée de l'hypnotique dans ses retranchements avec des titres pouvant offrir une certaine longueur où des samples couplées à des effets sur les riffs vont engendrer une atmosphère en totale décalage, très calme, servant généralement de précurseur avant une soudaine déflagration assurément extrême, servant une structuration sans équivoque, parfois étrange mais en toute cohérence avec la vision du groupe.
Ces éléments hypnotiques vont aussi servir à mettre en valeur et porter ce qui ressemble à une colère maitrisée, contenue mais nécessaire pour le groupe, fournissant un substrat à son sludge, où le chaos va parfois s'exprimer par des passages plus destructurés mais aussi poser des moments où le temps veut s'arrêter mais que la virulence va pousser en avant dans une sorte d'abime de perdition. Les titres sont assez complexes dans leur essence et c'est l'un des biais de mise en abime qu'utilise le groupe. Mise en abime non pas du sujet ou de la musique mais de nous, les auditeurs.

Le chant se partage avec deux membres du groupe. Puisant dans les confins du doom et du hardcore, cette dualité offre une richesse étonnante et un moyen de véhiculer des émotions très différentes, parfois plus négative, d'autres fois plus posées et réfléchies, faisant appel à certains mécanismes de nos biais cognitifs (oui, tu trouves ça bizarre mais ça l'est moins en écoutant). Est-ce une des raisons pour lesquelles j'ai tardé à cette chronique, en plus de pouvoir restituer l'assimilation? Quoiqu'il en soit, les chants offrent différentes facettes intéressantes.
Le son est plus singulier. Massif, à la fois rocailleux et gras (prônant des éléments plus noise), il n'en demeure pas très riches en détails et en mécaniques musicales. La basse et la guitare vont tour à tour jouer la carte de la complémentarité et de la division, permettant à la basse d'avoir une place comme telle et parfois plus comme une guitare accordée différemment. Quoi qu'il en soit, cela offre un mur sur lequel la batterie vient rebondir, livrant des patterns parfois étonnant. Les chants sont volontairement légèrement en retrait, offrant une ambiance particulière qui ne gène pas l'audition des voix.

Sycomore offre une claque avec son album. Une approche du sludge qui ne tient qu'à eux et qui m'a demandé diverses écoutes et le besoin de temps entre chaque. Pas parce que c'est mauvais (c'est clairement addictif dès le début) mais parce qu'il y a une densité et une complexité inattendues, qui pose une réflexion inconsciente. c'est juste un putain d'excellent album, que, si tu es fan de sludge, tu te dois de découvrir.

bottom of page