

MARGOTH 5
PDF5
Anthems
Christ Agny
Deformeathing production
3 décembre 2025 à 16:27:15
CD
2025
6 titres pour 45'52''
Une petite vidéo:
Christ Agony est un groupe polonais formé en 1990 (et donc 35 ans de carrière) qui nous revient avec un 9è album, dans une veine black metal pur et dur.
Le groupe nous offre un album de pur black metal, sans vraiment de fioritures. Mais un album mâture, réfléchi, avec des moments plus contemplatifs, amenant une fluidité impressionnante aux seins des titres qui s'écoulent sans accros dans nos oreilles. D'autant que le groupe prend le temps de faire des titres longs en terme de durée mais qui ne paraissent point long à l'écoute.
C'est un groupe qui va prendre le temps de brosser des atmosphères au sein de ses titres, de nous emmener là où il souhaite nous mener et surtout, de sortir des sentiers battus, avec son approche peaufinée, recélant moults détails.
Je suis habitué à des groupes plus rentre-dedans, à l'approche moins sophistiquée et pouvant cultiver un amour des tempos sous acides. Ici, c'est différent. Plus jeune (genre 25/30 ans de moins), j'aurais passé mon tour, privilégiant la brutalité (le grind reste mon amour premier) avec un groupe de black. Sauf que, avec un album de cette trempe, j'aurais sûrement été curieux. Et bien m'en aurait pris.
Christ Agony nous livre un album dense, très riche, adoptant un rythme souvent mid-tempo, permettant de renforcer les aspects plus brutaux qui peuvent exister par moments et de mettre en valeur les riffs ciselés, les ambiances parsemant l'album mais surtout la richesse des structures et du jeu des rythmiques. Car l'album n'a rien de linéaire, offrant des circonvolutions et des volutes nous emmenant vers des sphères que l'on n'attend pas (sauf peut-être les fans du groupe, bien évidemment). Au-delà du black en lui-même, le groupe nous offre une immersion avec une volonté forte de dépaysement, à travers des structures ou des éléments puissants, en terme d'impact et d'émotions, s'appuyant sur des sonorités ou des éléments vocaux (évoquant parfois un pamphlet de chant grégorien, comme sur 'Throne of eternal silence'). Le groupe joue avec les codes et ses codes qu'il a posé depuis longtemps, repoussant encore plus loin sa musique, tout en adoptant une approche posée, digne mais à l'efficacité implacable.
Même si c'est souvent mid-tempo (alors, quand même vers le haut du mid-tempo), il n'en recèle pas moins des délicatesses rythmiques, jouant du contraste ou une certaine innovation ici et là. Notamment dans les transitions rythmiques ou en jouant un certain décalage entre caisses claires et grosse caisse. Ou encore en amenant des rythmiques qui s'éloignent du black, glissant quelque chose de plus hybride, sans pour autant faire n'importe quoi et par de petites touches ici et là. Les rythmiques ont énormément d'importance, dans la construction, le déroulé mais aussi la perception que l'on a des titres et de l'album. D'ailleurs le traitement du son des éléments du kit joue aussi sur cette idée de perception, me renforçant dans l'idée qu'il y a quelque chose de globale derrière.
L'album me laisse aussi l'impression forte qu'il y a une trame derrière celui-ci. Quelque chose qui tient du fil rouge, se recoupant dans des éléments bien spécifiques, jouant sur les atmosphères mais aussi quelque chose de plus profond et plus diffus, comme une sorte de structuration globale, décrivant une sorte de cheminement, allant effleurer de manière subtile la notion de croyances, sous le prisme du black metal.
Et cela amène un élément assez logique et pourtant impromptu: la noirceur. Car oui, derrière les mélodies, les tempos relativement tranquilles et le jeu des structures, il y a indubitablement un côté très sombre, que l'on retrouve aussi bien dans les textes que dans la musique, avec un jeu de tonalités et de subtiles altérations ici et là (son, disharmonies, contretemps et certaines dissonances). Alors oui, du black metal joyeux et lumineux, normalement ça n'existe pas (quoi que, avec les groupes chrétiens...). Mais ici, le Christ Agony pousse le niveau au rang d'art, avec un gros travail d'écriture et de réflexion sur l'album, servant à amener un impact franc et direct, non sans beaucoup de subtilités pourtant. Cultivant du coup un paradoxe qui n'en est pas moins savoureux et intéressant.
Les titres ne laissent pas pour autant le moindre moment de répit, du fait de leurs structures variées, basé certes sur un black metal conventionnel (mais diablement mûri) mais qui laisse la place à d'autres choses qui diffèrent grandement du reste, que ce soit des éléments structurels, rythmiques ou même la présence d'éléments comme des guitares acoustiques ou une variation de thème (riffs ou structures rythmiques), ouvrant la perception d'un album avec plusieurs niveaux d'écoutes, allant bien au-delà de ce qu'il semble être (sur le papier parce qu'à l'écoute, ça envoie dans le genre).
Il se dessine même un aspect atmosphérique (qui se recoupe logiquement avec ce que j'ai évoqué jusqu'à maintenant), qui ajoute une couche supplémentaire à cette immersion que j'évoquais. Et qui peut expliquer, en partie, le choix majeur du mid-tempo (mais pas que, car ça me semble vraiment lié de manière intrinsèque au développement de l'album et des thématiques - peut-être que je me trompe). Et tout ça permet de glisser des éléments plus éthérés, ajoutant alors du contraste quand ces derniers rencontrent les aspects les plus sombres, cohabitant sur la même ligne et offrant une approche extrêmement accrocheuse (et une part de rêve, un rêve décati, malsain mais un rêve quand même).
Le chant est un chant black classique sauf que le timbre de Cesary est particulier, avec un côté incisif, un peu rocailleux et qui va pousser le curseur vers quelque chose d'un peu plus différent de ce qui est conventionnel. Il joue avec les codes et sa voix particulière et pousse le jeu jusqu'à faire les chœurs, ajoutant une atmosphère étrange dans les vocaux, marquant la noirceur que j'évoquais mais soulignant alors les moments où les mélodies peuvent être sublimes (quelque soit le tempo ou le moment où cela arrive).
Le son est excellent. Alors forcément, on a un son puissant, massif mais qui recèle beaucoup de finesse, du fait des éléments plus atmosphériques et du besoin mélodique qui existe. Il y a un appui marqué sur l'aspect de la noirceur jouant avec les tonalités, les tessitures mais aussi certaines altérations évoquées. Les guitares sont bien présentes, ainsi que le didgeridoo (qui apparait sur 'Rites of the black sun' mais aussi sur 'Throne of eternal silence', d'une manière très différente, plus comme un arrangement atmosphérique). La basse est en retrait à mon goût (mais bon, c'est juste que j'apprécie quand elle est plus présente) et la batterie a ses éléments mis en valeur, notamment en jouant avec l'aspect noirceur mais aussi dans l'idée de retranscrire des éléments que l'on va dire narratifs à travers le jeu de la batterie. Le chant est bien présent, audible, à l'équilibre et les arrangements apportent des subtilités qui enrichissent un peu plus l'ensemble de base.
Christ Agony revient avec un album sublime, tout en subtilité qui, pourtant, est assez frontal mais avec le savoir faire et une maturité absolue. Impossible, si tu aimes le black, de rater un tel album!