Sang Froid est un groupe fondé à Nantes (et non fondu, bien que le trio soit peut-être constitué de fondus d'un domaine) ayant à son actif un premier Ep éponyme en 2021 et ce 'All-Nighter' sorti début novembre 2023 (à la bourre encore...).

Le groupe ne laisse pas de place au doute, entre l'artwork et la musique: un mélange entre goth rock et cold wave. Un style que je ne fréquente pas et dont mes repères sont Depeche Mode, Dead can Dance et j'ai écouté des albums de Joy Division (puis la déclinaison New order) et quelques trucs goths dont les noms ne m'ont pas marqué (ni la musique).
J'y suis allé sans a priori et sans vraiment savoir à quoi m'attendre du coup. Alors oui, effectivement, ça change pas mal de ce que j'écoute. C'est assez particulier sur certains aspects et ce n'est pas sans me renvoyer vers des éléments synthwave présent dans les structures de Sang Froid.
Alors oui, c'est loin d'être festif et fait passer Indochine pour un groupe joyeux, drôle et plutôt léger. La tonalité de l'album étant vraiment sombre, aussi bien par les sonorités que les structures musicales, se plaçant dans un rythme répétitif et entêtant, régulier, presque cyclique. Et c'est une excellente idée car cela permet trio de nous offrir des changements que l'on attend pas (du moins moi parce que si tu es fan du style, tu dois savoir à quoi t'attendre). Ca me fait vraiment penser, dans pas mal de passages, à Depeche Mode (la musique, la tonalité de la voix, le chant, parfois atone) et comme c'est un groupe qui passe bien pour moi, pas de souci. Mais ce serait très réducteur de coller le concept de copie à Sang Froid. Parce que le groupe, derrière le côté sombre, pas trop joyeux, il y a clairement une personnalité propre et surtout un travail sur les atmosphères.

Les atmosphères, certes sombres, n'en sont pas moins subtiles et portant une forme de poésie, s'appuyant sur les claviers et parfois des éléments structuraux qui mutent dans la forme, glissant discrètement un appui plus marqué sur le côté goth rock ou cold wave, ouvrant une certaine polarisation qu'exploite le groupe, de manière judicieuse. Et les atmosphères vont aller explorer différents domaines. Et là, ça devient assez intéressant.
On a une dimension cinématographique qui apparait régulièrement, nous glissant dans l'ambiance d'une bande originale d'un film des années 80 mais avec une dimension quelque part entre SF, film noir et thriller. Il y a vraiment cette notion particulière qui s'exhale des titres et on y trouve aussi quelque chose de moins tangible, comme si la musique de Sang Froid partageait quelque chose de très urbain. Renvoyant à l'aspect cinématographique mais aussi à une sorte d'imaginaire collectif que l'on partage, avec un angle d'exécution un peu singulier. Les claviers, les sons électroniques et certaines programmation de rythmiques marquent vraiment l'aspect, offrant une approche qui leur sied et qui leur appartient.
Et cet aspect cinéma fait miroir avec le côté synthwave qui s'exprime parfois, généralement de manière discrète mais qui, sur certains titres, devient le moteur du morceau. Et engendre une hybridation inattendue, permettant à Sang froid de sortir des limites de son carcan et de poser des instants de bravoure, dans le genre. Car le groupe joue avec l'émotionnel, sans le moindre doute mais sur un titre comme 'Nightline', il s'affranchit des limites et va tisser quelque chose de différent, qui apporte nettement plus de poésie dans la forme, toujours dans cette sphère à la fois urbaine et sombre. Et de dévoiler que cet aspect sombre recèle une part de lumière (et qui d'ailleurs renvoie au visuel).
Mais la musique développe aussi une notion plus surprenante, évoquant la liberté. Sang Froid n'offre pas une musique sombre pour être sombre mais pour nous inviter a explorer la nuit, au son de sa musique et de nous faire réfléchir sur nous, à être introspectifs. Et cela amène un aspect un peu glauque, qui imprègne l'album, image renvoyée de nos villes la nuit. Et qui est peut-être une mise en abîme de nous-même et de notre relation à nous-même et à cette nuit urbaine.

Le chant est propre au genre. Un peu trainant, parfois atone, il renvoie cette idée d'obscurité (en dedans et à l'extérieur) mais avec une approche qui n'est pas de celles dont j'ai l'habitude. Il y a beaucoup de subtilité et de retenue dans le chant, posant lui aussi une part de l'atmosphère de l'album. Il va évoquer Depeche mode, Joy Division et un peu de Bauhaus (dans ce que j'y retrouve). Le chant n'est pas pour autant linéaire et propose des modulation de gammes, qui apportent de la richesse.
Le son est excellent, s'appuyant sur des sonorités très typées années 80, de par les claviers et cet imaginaire collectif évoqué. Cela n'empêche pas le groupe d'offrir une grande richesse dans la musique, les sonorités étant très travaillées. Et putain, on entend bien la basse, ça c'est cool! On retrouve des éléments convergents entre les styles et le côté sombre s'exhale en posant un côté froid, un peu clinique. Collant parfaitement à ce que le groupe nous propose.

Sang Froid est un découverte à faire. Les fans du genre s'y retrouveront clairement. Les plus curieux peuvent y aller car le groupe offre quelque chose de bien plus profond qu'il n'y parait et de très accrocheur. Et qui pourrait bien te piéger!