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Acheron

Virgil

Source Atone Records

10 janvier 2023 à 14:47:53

CD

2022

12 titres. Durée: 43'31''

Une petite vidéo:

Virgil est un quintet formé en 2016, avec à son actif un premier Ep et un premier album (respectivement en 2017 et 2019). Le groupe distille un blackened death brutal. Et contrairement au film Virgil, la malédiction, avec ce Virgil, il n'y a rien de douteux (oui, il fallait vraiment que je la fasse celle-là...).

Après une intro tout en finesse, dégageant pourtant quelque chose de sombre, avec une montée en puissance ('Acheron'), la première déflagration arrive avec 'Black feathers'. Et là, si tu étais du genre à te marrer tout seul comme un con, tu vas ravaler ton sourire. La violence et la noirceur sont très denses, ultra direct et ne laisse pas l'once d'un espoir d'entrevoir un moment de clarté. C'est parti pour un voyage qui va te mener au bout de l'enfer, quand bien même le groupe te laissera revenir. Et la violence du groupe s'exprime de principalement deux manières: très directe, sans fioriture et de façon vicelarde.

La manière directe est évidente, avec des tempos très rapides, fait pour te broyer os et âme (je pense que c'est l'un des but du groupe). Ca enchaine des rythmes très soutenus, associé à une ambiance très sombre, pouvant être anxiogène, créant une entité brutale qui va à l'essentiel, s'orientant systématiquement vers cette exploration de l'obscurité et du néant qui entourent l'enfer. Mais en t'y amenant. Et chaque assaut qui suit le précédent vient t'enfoncer encore plus dans les limbes. Les structures sont dans le même ordre d'idée, empêchant de se poser ou d'assimiler vraiment ce qui se passe: tu vas subir et tu vas prendre vraiment sévère. Et c'est d'autant plus salopard que c'est associé à la façon vicelarde.
En effet, le groupe amène des passages plus lourds, parfois plus lents, repoussant les limites de la noirceur. Ces moments ne laissent rien augurer de bons pour nos cervicales, le groupe installant de façon salope quelques breaks douloureux à l'efficacité certaine. Et d'offrir un contraste de matières (via les tempos) qui fait un lien avec les contrastes stylistiques qui se trouvent ici et là. Dans ces moments, il se passe des choses plus subtiles, comme des riffs ciselés, des approches harmoniques un peu différentes, qui viennent peindre un univers très sombre mais avec des multiples détails et qui, lentement, esquisse quelque chose d'autre. Il y a même des mélodies qui viennent illuminés un peu cette noirceur mais tu t'aperçois vite que c'est une lumière noire: quelque chose de malsain est immergé à l'intérieur. Et c'est lorsque tu essaies de capter ce que c'est que le groupe revient comme un bourrin te laminer la gueule. Et là, on touche quelque chose de presque métaphysique: car si sur le coup tu ne saisis pas l'essence de ce qui se trame, c'est sur la longueur que tu comprends vraiment ce qui est derrière cette esquisse.

Le groupe explore différents tableaux qui ont le même but convergeant: cette noirceur. Et pour se faire, le groupe offre quelque chose de parfois simple (mais pas simpliste, loin de là), souvent alambiqué mais toujours avec un angle qui va titiller ce qu'il y a de plus primitif chez nous, cette part du cerveau reptilien. Il y a une sorte de cheminement qui se fait, explorant diverses facettes, dévoilant chaque pan de noirceur de de malaise, balayant pourtant ce qui nous semble établi. Certains aspects m'évoquent Bliss of Flesh, notamment certains aspects structurels dans les passages plus chaotique ou suinte vraiment le death, avec cette ambiance si particulière. Mais le traitement que suit Virgil échappe rapidement à nos repères et trace son propre sillon dans les bourbiers de l'enfer.

Il y a une certaine esthétique qui est aussi présente (jusque dans l'artwork). Elle amène, via des éléments musicaux ou certaines structures, une aura plus étincelante (mais toujours dans cette idée de noirceur), un peu comme le font les peintures du peintre Soulage (avec ses fameuses toiles noires, travaillant sur la matière et la lumière). Et c'est là que prend vraiment sens tout ce qui nous tombe sur la gueule, sans nous laisser de répit depuis le début: Virgil essaie de rendre palpable et matériel des éléments abstraits, associé à une approche extrême mais très carré, pourtant souvent débridée. Et c'est là que les pièces s'emboitent enfin: C'est une sorte de fuite en avant au cœur des ténèbres, sans espoirs de retours, au travers de ce qu'il y a de plus sombre en chacun de nous et auquel nous ne pouvons échapper. Virgil brosse ainsi un portrait de l'intérieur des esprits, se focalisant sur ce qu'il y a de plus sombre et malsain. Le groupe ne laisse rien au hasard et balaie toute résistance ou espoir.
Les structures vont et viennent, amenant des notions destructives, que les sonorités ou les structures elles-mêmes vont amplifier, prônant une annihilation plus ou moins totale. Le groupe joue avec les aspects death et black, les poussant à leurs extrêmes et glissant ainsi subtilement une once de post metal, qui ajoute clairement à ce bourbier encore plus de perte d'espoir. C'est cohérent de bout en bout, avec pourtant cette montée inexorable qui nous emmène en fait vers les profondeurs absolues de l'oubli. C'en est presque philosophique comme approche.

Le chante est véhément, très agressif, dans cette lignée black death (d'où mon évocation de Bliss of flesh). Peu de modulation mais la volonté d'offrir à travers ce chant un biais pour nous enfoncer plus loin dans les méandres de l'enfer. Le chant participe à cette plongée sans fin, assurant ce caractère virulent et cette vision assumée et réfléchie. Pas de fioriture.
Le son est très massif. Très clair (les arrangements et les détails sont très audibles, partageant cette volonté de nous enfoncer dans les tréfonds de leur univers), il n'en est pas moins agressif, avec une basse bien présente, qui apporte par sa sonorité ce raccord à la noirceur de la musique du groupe. Le mixe apporte aussi du détails dans les arrangements et les sonorités particulières qu'il y a parfois, pour enrichir la musique du groupe.

Si je vous déconseille formellement 'Virgil, la malédiction' (dire que c'est une bouse est un euphémisme), je ne peux que vous conseiller fortement l'écoute de ce Acheron et de découvrir Virgil, un groupe qui va au-delà des limites et vous emmènera très loin. Foncez!

© Margoth PDF

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