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Abyss of a light planet

Praïm Faya

Autoproduction

21 novembre 2023 à 16:20:26

CD

2023

11 titres pour 49'44''

Une petite vidéo:

PraIm Faya est un quintet rouennais formé en 2017, ayant à son actif un premier Ep 'Native' et a récidivé avec ce premier album. En plus d'être une découverte pour moi, il s'agit aussi d'un groupe qui ne fait rien de plus que du metal extrême.

Un premier titre ('Aube') sert d'introduction à l'univers du groupe, avec des sonorités qui touchent un peu au spatial, avec un côté littéralement céleste et un chant parlé qui se pose dessus, avant de monter en puissance. Une de ces introductions qui te font sentir que ça va déboiter sévère, le truc qui te donne des frissons. Surtout que le titre devient énervé sur son final, avec un jeu de batterie intéressant, se recoupant avec les sonorités spatiales, qui amène une certaine atmosphère, avec un décalage intéressant car rendant le tout plus percutant.

Et c'est étonnamment surpris que j'ai découvert le second titre. Je m'attendais à un déboitage en règle, ce n'est pas si évident que ça. Le groupe est nettement plus modulaire que ce que j'attendais, brisant mes attentes avec un côté vicieux. Alors, certes, mes attentes étaient brisées mais pas avec une déception. Bien au contraire: le groupe offre une variation de thème autour du metal extrême, introduisant différents styles (death, deathcore, black, hardcore voire quelques exotismes bien sentis) sans que ces derniers ne soient vraiment clairement identifiables car bel et bien assimilé en une approche musicale ne manquant pas de densité, ni de bonnes surprises et quelques grosses branlées bien pensées mais pas comme on les attend habituellement.
L'un des point marquant à évoquer avant d'aller plus loin est le fait que le groupe pose des atmosphères qui brossent une ambiance générale, gardant en fil rouge l'ambiance du premier titre, nous guidant dans certains moments nettement plus posés, servant de contrepoints en même temps qu'il fasse attention à générer une cohérence et un travail de contraste.
Même dans les moments plus relevés, le groupe a toujours, quelque part, même en retrait, cette idée d'atmosphère, qui livre aussi une approche affutée de la mélodie, venant comme des bouffées d'oxygènes entre deux bastons ou dans les parties les plus acharnées, en amenant une écoute ouvrant plusieurs niveaux. C'est intéressant, car outre de donner de la densité, cela permet de glisser des structures pouvant être foncièrement différentes les unes des autres mais qui leur trouve un point de convergence. Les atmosphères ont ces tonalités que l'on retrouve sur la totalité de l'album, offrant un aspect sophistiqué sans pour autant être tape à l'œil. Le groupe amène de la subtilité et un dosage, abordant une parcimonie intelligente. Le groupe ouvre une approche mélodique en jouant sur des riffs parfois complexes mais qui dévoilent clairement un esthétisme accrocheurs (et va faire un lien avec le visuel et le titre de l'album). Et ces atmosphères peuvent reposer en partie sur ce qui va être l'autre point clé, sous deux pôles différents mais complémentaires.

Comme je te l'ai dit, le groupe fait du metal extrême, sans vraiment s'emmerder à dire que telle section est black et ici, c'est plutôt hardcore et là, death. Non, c'est beaucoup plus simple mais avec une complexité qui apparait dans les structures même des titres, puisque les codes se trouvent assimilés et joyeusement régurgités pour nous offrir ce que l'on entend.
Si on a des relents ici ou là d'un style plus que les autres, c'est normal car cela participe à la branlée que le groupe nous propose, s'axant d'une part (oui, il y a deux axes) sur deux antagonismes qui sont au final d'une complémentarité absolue: des passages nettement plus énervés que d'autres, où des furies black ou death peuvent côtoyer ce metal débridé avant de tourner plus hardcore ou avoir les exotismes que j'évoquais comme ce passage quelque part entre grind et post black chargé de hardcore, au milieu des structures qui servent de bases à leur metal extrême. Cela constitue le premier pôle, dans lequel les parties batterie sont parfois très folles, avec des ruptures de rythmes et des codes, donnant quelques passages très surprenant et d'une efficacité absolue (qui en plus va s'immiscer avec cette approche mélodique que j'ai évoqué). Les parties batteries sont vraiment intéressantes car sortant vraiment parfois des sentiers battus, livrant des structures qui regardent vers la noise, le groupe jouant clairement avec les possibilités offertes, tout en gardant la sacro sainte cohérence nécessaire.
Le second axe repose sur quelque chose de plus subtil, jouant avec une trame plus émotionnelle, ouvrant la voie une singularité opposant le côté posé, plus aérien et la part plus furieuse, appuyant un côté plus sombre, parfois franchement noir, qui semble faire là aussi le lien avec l'idée du titre et du visuel, créant une passerelle plus appuyée vers une volonté de nous immerger plus fortement dans leur univers. Les émotions véhiculées sont variées, allant d'une certaine nostalgie à une mélancolie (si jamais quelqu'un trouve que le riff dans 'Abyss' n'est pas mélancolique, qu'il m'explique), en passant par des éléments plus proche d'une colère modulé ou d'une résignation. On retrouve ainsi cette sorte de fil rouge tout au long de l'album, pouvant être plus en retenue sur des titres relativement courts et se développant sur des titres plus longs (mais n'empêchant pas dans les deux cas une forme de branlée modulée). Et cela crée clairement une stratification que l'on ne voyait pas venir. Et qui est du coup, en ce qui me concerne, la bienvenue. Et le groupe va ainsi édifié son approche sur ces éléments.

Le second pôle est à la fois plus complexe, logique et diablement vicieux, partie intégrante de la musique et colonne vertébrale pour les structures. C'est un élément forcément clé: les rythmes. Du moins, les tempos. On a un contraste marqué et assumé dans les tempos, entre des fréquences pouvant être soutenues, s'arquant sur les codes et les structures des styles intégrés, puisant dans une partie plus primaires et une lourdeur qui peut soudainement apparaitre, tour à tour pesante et anxiogène ou être un moment de pose pour reprendre une bouffée d'oxygène avant un soudain retour de brutalité qui arrive avec une transition relativement courte parfois (deux ou trois mesures, quand d'autres prennent le temps de se mettre en place - faisant un lien direct avec le pôle lui-même).
Le groupe offre vraiment un gros travail sur les rythmes et la gestion des tempos, pouvant parfois être chaotiques (d'où mon évocation plus haut de la noise) ou appliquer une modulation leur ouvrant des possibilités que le groupe va suivre sur certains titres ou bien n'en faire qu'à sa tête et bien te frustrer, sur d'autres (ce qui fait partie de la vision du déboitage du groupe).
Et du coup, le groupe nous offre deux formes de branlées, une plus pour se jeter contre les mur et la seconde plus pour bien te niquer les cervicales (parce qu'il y a des lourdeurs abyssales et retorses parfois...). Et cela se retrouve lié au reste, à la manière dont le groupe apprivoise la musique et nous amène sa vision, complexe, puissante, dense et foutrement efficace, avec le jeu des éléments diffusés ici et là, histoire de te faire croire à un code alors que non, c'est du Praïm Faya.

Le chant est complètement fou. Paul couvre un spectre assez surprenant et offre une modulation de celui-ci, jouant sur les aspects vocaux death /deathcore, black et hardcore. Il garde une puissance de bout en bout mais en plaçant une modularité et une sorte de stratification des différents pôles de son chant, créant une structuration qui fait un lien avec la musique. Quelques moments plus lourds où le chant est présent amène une autre dimension, plus singulière et va faire le lien avec l'aspect émotionnel.
Le son est très bon. Il a un côté massif, peut-être manquant un peu de puissance (mais là, ce n'est que chipotage), avec un soin marqué pour les guitares (avec une modulation de la clarté et de la tonalité, suivant les riffs et les besoins). La basse me semble un peu en retrait mais ce n'est pas gênant, loin de là. Le son a une tonalité variable, plutôt basse pour les parties plus véloces et haute pour les parties plus aériennes. Les sonorités et tonalités plus spatiales sont calibrées aux petits oignons. Il me semble que la batterie a un traitement plus spécifique, notamment en ce qui concerne les cymbales (toujours audibles, même dans les parties chargées). Le mixe est excellent, ne laissant les instruments ou la voix en deçà.

Praïm Faya livre un premier album qui est une petite bombe dans le genre, qui plus est sans avoir d'attache affiliée spécifiquement à un genre en particulier. C'est une déflagration, qui offre clairement deux moyens de bien te mettre la raclée. Fan d'extrême, ne réfléchie pas et fonce!

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