

MARGOTH 5
PDF5
A dream is ever there was one
Chaos over cosmos
Autoproduction
16 novembre 2022 à 15:29:53
Dématérialisé
2022
10 titres. Durée: 1 heure 4'33''
Une petite vidéo:
Chaos over cosmos nous revient en ce belle année 2022 avec un nouvel album. Le duo américano-polonais m'avait bien scotché avec leur précédent album qui m'avait bien marqué (et qui me faisait découvrir ce groupe mêlant SF, progressif et death). C'est donc avec un plaisir certain que j'ai pu recevoir la nouvelle de cet album, accompagné des fichiers.
L'album (comptant 6 titres, pour 40', les 4 derniers étant d'anciens titres réactualisés) s'ouvre sur une intro portant le nom 'Continuum' qui est un court instrumental de 3 minutes qui reprend l'ambiance du précédent album, avec des éléments qui se retrouvent dans ce nouvel opus. Une sorte de résumé transitoire, qui là aussi garde des éléments comme les sonorités, les riffs spécifiques liés au code SF que le groupe a créé tout en y insufflant une dose de nouveaux éléments qui vont être exploités dans l'album et la technique. Et à cette courte intro, on sent que ça va être dense.
Et dès le début du second titre, on part dans le gars du sujet, avec un développement rapide d'une ambiance gardant ce côté spatial en même temps qu'un aspect presque onirique se dessine. L'aspect progressif saute rapidement aux oreilles, que ce soit par la dextérité offerte dans les riffs, la vélocité que par la durée et les complexités structurelles (qui étaient déjà présentes sur le précédent opus). Rapidement, le death apparaît et vient nous titiller avec cette approche propre au groupe, puisque ce death est polymorphe et peut glisser vers des formes un peu plus exotiques, grâce à la technicité de Rafał Bowman, le guitariste. Et de ce côté là, l'ennui n'est pas à craindre, pas plus qu'une overdose de technique, le duo offrant de grandes variétés structures mais aussi l'ajout de synthés, plus marqués, accentuant en même temps que le côté SF celui de l'onirisme mais à travers un prisme lié au cosmos. Et ce qui est intéressant, c'est que les synthés vont de paire avec les riffs ciselés où toute la finesse et la subtilité de Rafał explose et ouvre l'exploration des perspectives qui se dessinaient sur le précédent effort du duo.
On retrouve ainsi des atmosphères extrêmement variées, brossant différents scénarios musicaux, ouvrant des strates musicales à la fois redoutables et émotionnelles.
Et pour cela, le duo utilise deux armes redoutables: la durée des titres et cette richesse déployée, allant créer des passerelles entre différents styles, où le progressif prend parfois des accents différents et se conjugue souvent avec un death mélodique. Et c'est d'autant plus puissant que les titres, avec leur durée pouvant atteindre plus de douze minutes, évite l'écueil de l'ennui, de la redite ou de la branlette de manche. Cela permet au duo d'amener une grande variété de structures qui lient le concept et entretient dans le même temps la ligne directrice de l'album. Différentes phases sont explorées, couvrant les champs du progressif, en allant réellement dans toutes les directions mais de façon harmonieuse et extrêmement raffinée, voir sophistiquée. Les titres développent ainsi des passages plus posées qui vont contraster avec le death qui jaillit soudain, amenant une rupture de ton et donnant ces fameuses structures, que l'on peut clairement comparer à ce que le cosmos peut offrir. Ca peut être violent, assez frontal ou prendre un côté plus mélodique, avec une ligne de batterie qui tranche avec les riffs et se recoupent avec la basse (oui, la basse est là encore bien présente et encore plus imbriquée dans les structures, que ce soit en toute logique liée à la batterie ou plus étonnamment, avec les guitares). Cela s'avère vraiment ambitieux, ne serait que par la durée de l'album que par le déploiement technique qui explose encore plus.
On pourrait craindre que cette explosion de techniques viennent gâcher le voyage mais il n'en est rien. Au-delà de tout ce qui va caractériser les différentes techniques (shredding, tapping, arpèges, harmonies...) des riffs, il y a cette cohérence et ce lien qui entretient l'ambiance de l'album, qui s'appuie aussi sur les atmosphères et les sonorités qui ajoutent à l'immersion de l'auditeur. Et le côté technique n'est pas étalé au hasard mais suit un cheminement qui va donner à la fois de repères, que ce soit temporel avec des éléments qui vont revenir, apportant une structuration ou offrant plus de dextérité dans le but d'amener cette notion d'onirisme SF, tout en entretenant ce lien au cosmos (bien que cette fois, la SF prenne un peu plus d'importance, que ce soit dans des éléments musicaux (notamment via les synthés ou même quelques boucles étonnantes plus électro) que des variations de chants ou la thématique des titres. L'album explore ainsi certains aspects abordés dans le précédent, creusant vraiment l'univers développé par le groupe, celui-ci recélant des milliers de détails.
La musique s'avère dense, complexe et pourtant, elle est étonnamment accessible, s'appuyant sur des mécanismes émotionnels puissant tout comme celui plus onirique du voyage dans le cosmos, ouvrant un panel d'éléments originaux allant de sonorités spécifiques, de changements de tonalités ou de variations dans le chant, amenant ainsi des idées neuves et menant KC Lyon a exploré avec bonheur de nouvelles voies. Et c'est là aussi que le savoir faire de Rafał Bowman car celui-ci ne se cantonne pas qu'aux guitares et à la basse mais est derrière les claviers (ce qui offre un lien et une continuité dans les structures et cette cohérence complète) mais aussi derrière la programmation de la batterie. On sent qu'il y a clairement une vision réfléchie derrière, une réflexion nécessaire pour conduire à cette cohérence et cette continuité sans tomber dans une répétition qui serait lassante.
La densité de l'album amène aussi une autre donnée, plus subtile: la musique du duo se propulse vers quelque chose qui se situe aux confins du death mélodique (avec des moments très puissants, que ce soit en matière de ressenti émotionnel qu'en terme de brutalité (certains passages affirmant une certaine violence, parfois onirique), du metalcore ou du progressif (voire même des styles plus diffus où le synthé a son importance, sans trahir le matériel de base). Et où c'en est parfois déconcertant, c'est que certains moments m'évoque un peu ce que fait Devin Townsend (et connaissant ce que peut faire le bonhomme, le duo impose le respect). Car dans ces moments là, les cartes sont rabattues et un nouveau champs des possibles s'entrouvre. On en est presque à une dimension où l'album est plus une entité à part qu'un simple album. Une entité qui est à la fois un voyage en même temps qu'une ouverture vers un autre univers.
Et le chant n'échappe pas non plus à ce constat. Il offre énormément de techniques lui aussi (que ce soit le chant saturé, le chant clair mais aussi les variations dans chacun des spectres des chants). Il pose aussi des émotions très puissantes, surtout quand le chant se module dans des passages où les styles se mélangent, offrant alors ce sentiment que quelque chose de nouveau est sur le point d'émerger. KC Lyon va loin dans les possibilités et sort vraiment de sa zone de confort, avec une réussite complète (sur 'Navigating by moonlight', un autre chant (Keaton Lyon, le frère) se joint amenant l'exploration d'autres tonalités en même temps que le dessin d'un autre dimension, à la fois vocale et musicale et une complémentarité qui fait son effet) . Parfois, le chant est même plus proche d'une fusion avec la trame de la musique que d'un simple chant, donnant un autre aperçu de la vision de Rafał concernant la musique.
Les 4 derniers titres sont retravaillés, avec un nouveau chant et une réédition des sonorités. Ils gardent l'esprit d'origine mais font aussi le lien avec l'essence actuelle de Chaos over Cosmos. On a ainsi un aperçu de l'évolution musicale et du projet ainsi que l'appropriation de ces titres par KC Keaton qui en apporte une sorte de relecture vocale.
Le son est juste excellent. On a ces subtilités liées au concept, avec ces timbres spatiaux ou les nappes de claviers, qui sont aussi très différents suivant les passages ou les structures dans lesquels elles évoluent. Les guitares sont ciselées, très subtiles, laissant la place à la basse pour s'exprimer (et de façon parfois très percutante) et l'équilibre entre les trois ne doit rien au hasard. La batterie programmée fait dans la subtilité mais avec une dimension différente, devant jouer sur plusieurs fronts, au besoin et parfois simultanément (ce qui amène des passages alambiqués mais de haute volée). Le mix et les arrangements ne sont pas non plus laissés à l'écart mais traités avec la même exigence et qualité.
Chaos over cosmos apporte là encore un album de très haute qualité, à la densité incroyable et pourtant accessible. Le duo pousse le concept encore plus loin, déployant plus encore de contrastes et de subtilités, regorgeant de détails et est extrêmement immersif. Il est impossible de passer à coté de cet album qui est là encore une pièce majeure!